Art brut

Publié le 13 Janvier 2022

En apesanteur sur la lune, je flotte.

En apesanteur dans le ventre de ma mère, je nage.

En apesanteur dans la nuit, je rêve ...

Puis je m'arrête.

 

J'observe le monde vu de là-haut, de ce bel astre blanc et lumineux,

Forêt, ville, rivières, humains et animaux.

 

J'écoute la vie autour de moi, 

Musique, cri, voix, roulements et gratouillis.

 

Je goûte la saveur des choses,

Sucrées, salées ou amères, douces ou rugueuse

lisses ou granuleuses.

 

Je sens les exhalaisons de la terre,

De la mer, de ma mère, 

piquantes, capiteuses, âcres ou fétides. 

 

Je palpe les rondeurs,

Le sec et le mouillé, le souple et le tendu.

 

... puis je tombe.

 

Je tombe raide dingue de toi

Je tombe en pâmoison

Je tombe dans les pommes 

Je tombe dans le panneau

Je tombe pour meurtre

Je tombe dans une tombe

Je tombe dans l'oubli

Je tombe en panne d'inspiration

Je tombe, je tombe, je tombe 

Je ...

Martine 

 

En apesanteur dans la nuit je rêve, écrin doré oùrepose de fantasques figures, oiseau géant bleu et ocre, chevaux, crinière au vent, crin noir ou gris. Et moi qui essaie de les saisir, folle que je suis. Je rêve .

En apesanteur  sur mon trapèze, un livre à la main, je survole mon lit, balançant de droite et de gauche au-dessus de ma couche écarlate.

 Rêve ou réalité ? En quelques coups d'aile je surplombe la maison, salle de bain d'une blancheur de nacre ou cuisine carrelée de bleu. Qui habite ici ? Cou tendu vers le vide, imagination et désarroi en ce lieu vide et nu, je réfléchis à l'avenir. La tête en feu, yeux exorbités, ou est-ce ma chevelure, j'ai explosé en plein ciel bouche ouverte sur le bleu nuit, sur le ciel.

Un pas en avant, je flotte dans l'irréel, un pas en avant je tombe dans l'espace intersidéral, je tombe amoureuse je tombe sur les pommes je tombe, je tombe, je tombe ...

Et avec moi tombent des dizaines, des centaines, des milliers, ils tombent, se couchent et meurent, tombes sans sépulture, cénotaphes monstrueux, poussière et fumée, morts inscrits dans les registres du temps, simples numéros tatoués au creux du bras qui se substituent dans nos cœurs, nos mémoires et ces vieilles photos sépias, racornies.

Flammes rouges démoniaques, incendies déments, autodafé de silhouettes humaines, humaines, profondément seules devant le spectacle infini de cette absurde.

Martine

 

 

En apesanteur dans la nuit je rêve. Assis sur le rebord de ma baignoire, je me remémore. Je me souviens de la grande maison de mon enfance, où j'ai vécu pendant une vingtaine d'années. En pleine nuit, impossible de dormir, son visage me  hantant.  Ses cheveux blonds aux reflets dorés, son petit sourire et son air triste. C'était la dernière fois que je le voyais. Dans sa chambre face à la mienne, son corps inanimé sur le lit me criait silencieusement d'aller l'aider. Le corps froid, glacé ;  les manches de son pull relevé me montrant ses bras ensanglantés. Il était trop tard. Je n'ai pas réussi. Pas réussi à l'aider, pas réussi à le sauver. Il m'a appelé au secours et je n'ai pas pu entendre ses prières. Je l'ai perdu et je ne le retrouverai plus jamais. Mais c'est à cause de tout ça. À cause d'eux qu'il est devenu comme ça. S'il n'avait pas été témoin de ce qu'il a vu, personne ne s'en serait pris à lui. Je savais qu'à cause de cette histoire, toute sa vie serait bouleversée. Mais maintenant il est trop tard, il n'est plus là. Maintenant ils vont pouvoir vivre en toute tranquillité sans avoir peur que leurs secrets soient révélés. Mais j'espère que cette mort ne sera pas inutile et qu'ils vivront avec et que ça les rongera de l'intérieur toute leur vie.

EC

 

En apesanteur dans la nuit je rêve que je m'envole dans le ciel pour une fugue céleste. Dans le bleu et l'ocre je vole, comme un oiseau illuminé de l'intérieur, je plane, œil ouvert sur l'inconnu, je découvre le ciel.

 Tel un trapéziste je me balance au-dessus de mon lit rouge sang, un livre à la main. J'imagine cette rêveuse, cet autre moi-même. Prenant de la hauteur je visualise ma chambre, celle de mon fils, berceau vide et blanc, moi dans la cuisine. Mais est-ce moi, vraiment ? Où suis-je ? Dans mon lit rouge, dormeuse éveillée? Dans la cuisine ? Ou bien planant par-dessus les toits ? A moins que je ne sois assise soucieuse, sur la baignoire, à me poser mille questions. Tout à coup, entrant dans mon champ de vision, est-ce un homme ? Est-ce un cheval ?

Le rêve vire au cauchemar et sa bouche grande ouverte, dents en avant, prête à mordre. Je recule. Je recule. Je tombe. Je suis à terre. Réveillée.

 

Rédigé par Martine Silberstein

Publié dans #Ateliers d'écriture adultes

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