Auto louange, écrire un texte en « je ».
Il s’agit d’écrire sur soi en toute liberté, de se célébrer (pour une fois !), au-delà d’un quelconque narcissisme, de contacter « sa grandeur », sa beauté, son inconscient afin de mieux se connaître et se réaliser. L’idée est de louer toutes nos facettes, d’éclairer autant la noirceur que la lumière, nos pleins et nos vides, notre masculin et notre féminin (animus/anima), l’esprit et la matière. C’est une écriture de l’intime qui se met en parole, se partage. Une invitation au lâcher-prise, à la voix du cœur, à la découverte de notre élan vital. Il permet de changer notre discours intérieur et notre regard sur nous-mêmes. « L’autolouange invite à donner voix à ce bouillonnement de talents lové en chacun de nous » explique Marie Milis, la « papesse » de l’autolouange.
Exemples de textes :
Parentalité/parent alité
Je suis terreur de l’épouvantable absence, j’interroge la figure magistrale,
Je libère les références parentales sclérosantes, je rassure délicatement des bribes d’enfant.
Je lis l’inquiétude dans les traces des ans.
Je suis vieillesse impudique. Je me ressource dans l’éternelle sagesse, dans la plénitude générationnelle.
Immense, j’enlace la solitude, je réchauffe les blessures béantes.
Unique, multiple, changeante, j’accepte les émouvantes fragilités, j’interroge les certitudes.
Du haut de mes racines, je suis force consolante.
Saison
Je suis ferment.
Je suis silence du verbe.
Furtive, j’épie les clameurs mortifères.
Magicienne, je me retire un instant pour savourer l’humeur du monde.
Je calligraphie mes énigmatiques peines, mes déceptions souterraines.
J’écoute mon absurde douleur.
Je suis humilité passagère.
Je me mélange avec volupté au souffle du vent, j’épouse l’automne flamboyant.
Nous pouvons écrire aussi un louange sur l’autre, « le kasàlà de l’autre » pour exprimer notre admiration, notre reconnaissance, notre gratitude.
« Kasàlà » est, à l’origine, un mot de la langue cilubà, parlée par le peuple lubà en RDC. Le kasàlà traditionnel est une poésie panégyrique orale propre à ce peuple. Il se caractérise par la présence d’un grand nombre de noms propres et de structures dites makùmbù, qui sont des devises, généralement élogieuses.
Poésie à caractère rituel, le kasàlà traditionnel a pour fonction de faire l’éloge de personnages publics ou d’individus, en diverses circonstances telles que l’intronisation, le mariage, l’accueil, les funérailles. Deux thèses de doctorat y ont été consacrées, respectivement par P. Mufuta (1968) et C. Faïk-Nzuji (1986).
Dans l’enseignement de kasàlà, élaboré au fil des ans à travers une pratique intense, le mot kasàlà est utilisé dans un sens générique pour désigner toute poésie panégyrique en Afrique, adressée à soi-même ou à l’altérité. Plus spécifiquement, l’expression kasàlà contemporain désigne la poésie panégyrique inspirée certes du kasàlà dans ce sens générique, mais fondée sur le concept d’ubuntu, sur l’amour de l’autre et de soi, associée à l’écriture et enrichie d’une dimension transculturelle.
Fait remarquable, ce type de littérature existe pratiquement dans toute l’Afrique subsaharienne, avec quelques variantes et sous diverses dénominations (izibongo en Afrique australe, amazina y’inka au Rwanda et au Burundi, oriki au Nigéria, akö au Bénin, etc.). La thèse de doctorat de Jean Kabuta (1995) est justement une étude comparative du panégyrique africain, en particulier l’éloge de soi (ou auto panégyrique), qui implique d’ailleurs généralement l’éloge de l’autre.
Art de célébrer la vie dans ses multiples expressions et de défendre la dignité humaine, le kasàlà aborde une variété de thématiques touchant à la philosophie, la science, la politique, l’histoire, la géographie, la sociologie, la psychologie, le corps…
Si un kasàlà peut être consacré entièrement à la célébration de l’autre ou à la célébration de soi, la forme canonique est cependant constituée de deux parties essentielles, l’une consacrée à la célébration de l’altérité et l’autre, à la célébration de soi, cette dernière se réduisant souvent à une signature élogieuse.
Le kasàlà apparaît comme, à la fois, un pont entre différentes cultures, communautés ou générations, une voie de connaissance mutuelle et de réparation, et un outil de prévention. Dans tous les cas, il prend soin de la dignité, de l’estime de soi de l’individu et de la communauté, tout en répondant notamment au besoin de connexion, de cohésion. Dans ce sens, il contribue à l’amélioration de la santé globale de la société et favorise le vivre-ensemble. En particulier le kasàlà de l’autre au Je s’avère un puissant vecteur d’empathie et les kasàlàs écrits sous cette forme sont particulièrement émouvants.
Il reste fidèle à l’esprit de célébration, de gratitude, de connexion et à l’oralité, le destin de tout kasàlà étant d’être dit et entendu par d’autres.
L'Ubuntu
Sur l’aire bantou, qui s’étend du sud du Cameroun à l’Afrique du sud, une valeur fondamentale est ce qu’on appelle umuntu (ou une variante de cette forme), et qui signifie « être humain, personne ». Une autre valeur, qui découle de celle-ci, est l’ubuntu (terme qui présente aussi des variantes). Nous pouvons traduire ce mot par « sagesse », « humanité » ou, plus exactement, « l’art d’être humain ». L’ubuntu se pose comme idéal, horizon vers lequel toute personne digne de ce nom est invitée à marcher.
Si ces valeurs sont transmises à l’enfant dans la vie de tous les jours, elles le sont aussi, plus intensément, à travers les écoles d’initiation, à travers une littérature constituée de structures formulaires sous forme orale, graphique ou plastique, qui accompagne la personne tout au long de sa vie. Elles le sont aussi à travers cette poésie de célébration appelée génériquement kasàlà, dans le sens où celle-ci appelle constamment la personne à se rappeler et à défendre cette valeur fondamentale qui fait d’elle un être humain, autrement dit sa dignité. Singulièrement le kasàlà contemporain se présente comme un véhicule de l’ubuntu.
L’Ubuntu comme art d’être humain, définit le rôle fondamental des relations interpersonnelles, à travers un ensemble de valeurs qui, promouvant la relation, permettent à la personne de contribuer au déploiement de la collectivité et, par conséquent, à son propre déploiement. On peut le résumer avec Laurien Ntezimana comme une invitation à être Bon à l’intérieur, et don à l’extérieur. Cela signifie que Mon bien-être personnel est une condition qui me permet d’être un don pour les autres. C’est la raison pour laquelle je dois m’efforcer d’être en bonne santé sur le plan physique, émotionnel et spirituel. Être un don signifie apporter une contribution positive sur les plans politique, culturel, économique social. Ainsi compris, l’ubuntu devient l’horizon vers lequel l’Umuntu (la personne) doit marcher, pour devenir chaque jour une meilleure personne. Le kasàlà présente les valeurs qui constituent l’ubuntu :
JE SUIS UBUNTU
Je suis
Générosité Gratitude et Respect
Hospitalité Fraternité et Humanité
Bienveillance Sollicitude et Accueil
Présence Pardon et Réconciliation
Patience Écoute et Attention
Bref suis Sagesse
Historique
Voici quelques éléments de l’histoire du kasàlà contemporain. C’est d’abord l’histoire de Jean Kabuta qui a introduit cet art en Occident
Il enseigne encore à l’école secondaire en Belgique lorsque, en juillet 1980, il se rend au deuil de son oncle à Kinshasa. Le retour d’une personne après une longue absence constitue une des occasions où l’on récite le kasàlà.
Sa famille invite à cette fin un spécialiste du kasàlà. Sa mère lui explique qu’ayant passé beaucoup de temps à l’étranger, il est comme quelqu’un qui s’est égaré en brousse et qui est devenu sauvage. À ce titre, il avait besoin d’être ramené dans la communauté, en le rappelant ses noms, en le reliant à ses ancêtres, à son histoire, à son territoire et à lui-même.
La famille, des amis et des voisins sont présents à la séance, qui est en réalité un rituel d’accueil. Jean Kabuta enregistre le texte intégral, dont la récitation dure quatre heures. Cette séance le bouleverse profondément. Le kasàlà reçu le fascine par la richesse de son contenu et la complexité de sa forme. Une dizaine d’années plus tard, il en fera un objet de recherches comparatives à l’échelle de l’Afrique subsaharienne.
En 1995, alors qu’il est chargé de cours à l’Université de Gand, Jean Kabuta soutient une thèse de doctorat à l’Université Libre de Bruxelles sur l’auto panégyrique dans les traditions orales africaines. À partir de ce moment-là, il fait du panégyrique africain un texte transculturel, traduisible dans différentes langues. Il y associe aussi l’écriture. Vivant en Europe et prenant conscience de la valeur de sa culture africaine, il se perçoit comme la personne tout indiquée pour transmettre celle-ci en Occident en appréciant son rôle de passeur de culture.
Atelier d’écriture Autolouange ou kasàlà
1° Prendre autant de feuillets que de participants, écrire leur prénom dessus. Recenser sur chaque feuillet adjectifs positifs et les qualités que l’on attribue à chacun des participants de l’atelier. Ne pas leur donner tout de suite.
2° Recenser tous les adjectifs positifs et les qualités que l’on s’attribue à soi.
3° Quand chacun a fini d’écrire, pour les autres et pour soi, prendre un temps, une pause, les yeux fermés ou ouverts. Visualiser le plus bel endroit qui soit au monde, votre plus bel endroit. Celui où vous vous sentez bien, où vous pouvez être vous-même.
Puis chacun distribue les feuillets aux participants à qui ils ont pensé.
Je rappelle ce que j’ai dit au début : louer toutes nos facettes, d’éclairer autant la noirceur que la lumière, nos pleins et nos vides.
Laisser-vous complètement aller à être vous-même.
Les consignes sont très simples :
- Écrivez un texte en « je ». Parler à la première personne permet de prendre la responsabilité de votre autolouange. Pour vous aider, vous pouvez prendre un « déclencheur », comme une image, sur laquelle vous vous projetterez.
- Amplifiez votre propos, tout en étant authentique, sincère. Voyez grand ! Soyez attentif à ce qui se passe en vous et exprimez-vous avec panache.
- Lâchez le contrôle ! Privilégiez l’émotion au lieu d’élaborer un texte littéraire ou philosophique, à la syntaxe parfaite.
- Déclamez-le ! Incarnez-le, osez offrir cet autolouange aux autres, au monde. Vous pouvez aussi le danser.
Autolouange
J’aime les vêtements non pas originaux, mais très colorés, un manteau noir, bleu marine ou marron, alors que l’hiver est déjà si sombre ? Ah non ! Rouge, bleu, beige, parme… et deschapeaux, ça oui, les chapeaux, j’aime ça !
Boute-en-train ? Je suis drôle, ou plutôt j’aime rire, non de mon prochain, mais rire à la vie qui s’ouvre devant moi, qui ne m’a pas toujours souri. Je n’ai pas tout le temps été joyeuse, mais peu à peu les choses changent.
Pourtant, souvent, l’on me dit que l’on se souvient de moi, plutôt en bien, parfois très longtemps après la rencontre. Pourquoi ? Je suis empathique. Sociable, j’aide souvent les autres. Parfois rien qu’un sourire, qui ne coûte rien, au SDF assis par terre. Généreuse, j’héberge parfois des cyclotouristes, des réfugiés, c’est une habitude et un vrai plaisir pour moi. Bénévole aux Potagers de Grigny, à Handivienne ou ailleurs, je l’ai toujours été, par ci, par là.
Leader ? Oui, peut-être, mais je dois me réfréner pour ne pas prendre la parole la première et de manière parfois intempestive. Je dois me méfier de ma spontanéité, me dit-on et de mes mots qui fusent parfois trop vite.
Apprendre, oui, j’ai toujours apprécié découvrir ce ou ceux que je ne connais pas. La reprise de mes études est une découverte rafraîchissante.
Sportive, tout le monde dit que je le suis, pourtant je ne le suis pas tant que ça ! Le vélo en grande quantité, c’est l’été, deux ou trois randonnées de 3 à 15 jours maximum. Je fais peu de sport en dehors de cela. Une heure de qi gong par semaine, n’est pas très sportif. Quelques courses à vélo une fois par semaine, ou monter trois étages à pied une ou deux fois par jour, marcher plutôt que prendre le métro pour une ou deux stations non plus … je n’appelle pas cela du sport. C’est plutôt l’allure que je dégage qui peut faire penser que je suis sportive. Mince et vive, on peut croire que je le reste grâce à une intense activité physique. Que nenni !
Entreprenante, oui, sans doute, mais à mon rythme, désormais plus sage. J’ai créé Callipalabra, j’ai un bon C.V maintenant qui me permets, si l’occasion se présente de postuler pour des ateliers d’écriture ou des accompagnements de biographie. Mais souvent le travail vient à moi, davantage que le contraire, grâce à un réseau et aux relations que je sais entretenir, mais on ne peut pas dire que je cherche vraiment du travail !
J’aime lire, écrire, et si j’aime être avec les autres, j’aime aussi être seule, chez moi ou dans la nature, à pied ou à vélo. Il arrive alors que je parle seule ! Mais quand j’écris, c’est quand j’ai le moral dans les chaussettes, rarement quand je vais bien pour, comme l’on dit, vider mon sac. Quand je vais bien, ce qui est le cas maintenant, je n’écris qu’en atelier d’écriture, comme ce soir, avec vous. Autant les textes écrits en ateliers peuvent être drôle et imaginatifs, autant ceux écrits seules, donc, ne le sont pas. Donnez-moi un mot, deux mots, trois mots, je vous écrit une texte !
Imaginaire ? Non, je suis plutôt réelle mais souvent je plane, je me trompe, je délire, je suis ailleurs, dans mon monde.
Martine