Printemps
La saison porte aux sens, évidemment, et à la poésie : les petites fleurs, le soleil (enfin, pas partout…), le gazouillis des oiseaux, l’herbe qui verdoie, la terre qui poudroie, l’autoroute qui, tout droit, file vers des week-end prometteurs, bref c’est le moment de vous laisser titiller par la muse.
La méthode est simple : vous choisissez deux poèmes d’à peu près égale longueur si possible. Notez que cette méthode est inspirée de l’Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle), groupe de recherche littéraire fondé en 1960 par le mathématicien François Le Lionnais et l’écrivain et poète Raymond Queneau. Il a pour but de découvrir de nouvelles potentialités du langage et de moderniser l’expression à travers des jeux d’écriture. Le groupe est célèbre pour ses défis mathématiques imposés à la langue, obligeant à des astuces créatives. Citons, parmi tant d’autres, des « oulipiens » illustres Georges Pérec, François Caradec, Italo Calvino, Bernard Cerquiglini, etc.
L’Oulipo est fondé sur le principe que la contrainte provoque et incite à la recherche de solutions originales. Il faut déjouer les habitudes pour atteindre la nouveauté. C’est, en fait, la base de tout atelier d’écriture qui se respecte. Ainsi, les membres fondateurs se plaisaient à se décrire comme des « rats qui construisent eux-mêmes le labyrinthe dont ils se proposent de sortir ».)
Dans cet esprit, je vous propose de « poéter un coup » – passez-moi l’expression – en vous appuyant sur des poèmes déjà écrits, dont les auteurs sont connus ou pas. L’important, c’est de croiser. Attention, ce n’est pas du plagiat, ce sera votre œuvre, réalisée à partir d’œuvres plus anciennes. Certaines églises, parfois magnifiques, ont été construites avec les pierres de temples antiques qui ne manquaient pourtant pas d’atours.
Je ne vous propose pas de plagier, simplement de jouer, comme chaque fois. La règle du jeu, vous allez la comprendre en lisant les deux poèmes suivants : Sensation, d’Arthur Rimbaud et Une lettre de femme, de Marceline Desbordes-Valmore.
Sensation (Arthur Rimbaud)
Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l’herbe menue :
Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
Mais l’amour infini me montera dans l’âme,
Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, – heureux comme avec une femme.
Une lettre de femme (Marceline Desbordes-Valmore)
Les femmes, je le sais, ne doivent pas écrire ;
J’écris pourtant,
Afin que dans mon cœur au loin tu puisses lire
Comme en partant.
Je ne tracerai rien qui ne soit dans toi-même
Beaucoup plus beau :
Mais le mot cent fois dit, venant de ce qu’on aime,
Semble nouveau.
Qu’il te porte au bonheur ! Moi, je reste à l’attendre,
Bien que, là-bas,
Je sens que je m’en vais, pour voir et pour entendre
Errer tes pas.
Ne te détourne point s’il passe une hirondelle
Par le chemin,
Car je crois que c’est moi qui passerai, fidèle,
Toucher ta main.
Tu t’en vas, tout s’en va ! Tout se met en voyage,
Lumière et fleurs,
Le bel été te suit, me laissant à l’orage,
Lourde de pleurs.
Mais si l’on ne vit plus que d’espoir et d’alarmes,
Cessant de voir,
Partageons pour le mieux : moi, je retiens les larmes,
Garde l’espoir.
Non, je ne voudrais pas, tant je te suis unie,
Te voir souffrir :
Souhaiter la douleur à sa moitié bénie,
C’est se haïr.
Version 1 avec
Avril de François Coppée
Une lettre de femme de Marceline Desbordes-Valmore
Il écrit pourtant
Lorsqu’un homme n’a pas d’amour
Tout se met en voyage.
Rien du printemps ne l’intéresse
Lumière et fleur
Promesses d’avril
Voyageuse de mai
Qui traversent le ciel du soir
Le laissent à l’orage,
Ne le détournent point.
Il s’accuse de n’avoir pas d’ailes.
Il souhaite la douleur toute sa vie.
Il a bien pleuré.
Il sent qu’il s’en va.
À ce spleen lourd de pleurs,
Sans espoir ni alarme
Il s’abandonne sans retenir ses larmes.
Il ne tracera rien
Ne touchera aucune main,
Se verra souffrir
Sans refleurir tout son être
À attendre, se haïr.
Martine
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Version 2 avec
Avril de François Coppée
Une lettre de femme de Marceline Desbordes-Valmore
Voyelles de Rimbaud
Il écrit pourtant
Lorsqu’un homme n’a pas d’amour
Tout se met en voyage
En des puanteurs cruelles.
Rien du printemps ne l’intéresse
Lumière et fleur
Promesses d’avril
Voyageuse de mai
Frisson d’ombelles
Silence des mondes et des Anges
Qui traversent le ciel du soir
Le laissent à l’orage,
Dans la colère ou les les ivresses pénitentes
Ne le détournent point.
Il s’accuse de n’avoir pas d’ailes.
Il souhaite la douleur toute sa vie
Pourpre, sang craché
Il a bien pleuré.
Grand front studieux
Il sent qu’il s’en va.
À ce spleen lourd de pleurs,
Sans espoir ni alarme
Suprême clairon
Il s’abandonne sans retenir ses larmes.
Il ne tracera rien
A noir, E blanc, I rouge, V vert, O bleu
Ne touchera aucune main,
Se verra souffrir
Sans refleurir tout son être
À attendre, se haïr.
Martine
Texte 3
Éluard Liberté
Armelle Chitrit Copeaux de l’ombre
Sur les sentiers éveillés
Je voudrais être mendiant
Sur le fruit coupé en deux
La main ouverte
Sur le tremplin de ma porte
Pour attraper le peu de jour
Sur les merveilles des nuits
M’asseoir
Sur l’étang soleil moisi
Et contempler la vie
J’écris ton nom
Passante
Sur tous mes chiffons d’azur
Que faut-il
Sur les routes déployées
Pour être mendiant
Sur mes refuges détruits
Entre la rue et le trottoir
Sur l’absence sans désir
Saisir les rais de lumière
Et par le pouvoir des mots
Partager tout ce qu’il reste
Sur la lampe qui s’éteint
Sur les maigreurs du ciel
Sur la lampe qui s’allume
Et le courant des silhouettes
Sur mes maisons réunies
Être mendiant
Sur les saisons fiancées
Se coucher là
Sur les murs de mon ennui
Dans l’histoire chétive
Sur la solitude nue
De ses vêtements
Sur le risque disparu
Dans les cheveux
Sur le lac lune vivante
Un peu d’argent
Sur les places qui débordent
Et le sourire de DIEU
Sur les ailes des oiseaux
Comme caresse nue
Sur les sueurs de l’orage
Étincelant miroir
Sur chaque bouffée d’aurore
Sans firmament
J’écris ton nom
Pour l’espoir
Et par le pouvoir d’un mot
LIBERTÉ
Martine
Armelle Chitrit, Copeaux de l'ombre et autres textes
D’après Rimbaud « Sensation » et Éluard « Air vif »
Par les soirs bleus d’été
J’irai dans la foule où je t’ai vue,
Parmi les blés où je t’ai vue
Fouler l’herbe menue.
Rêveur au bout de mon voyage,
Au-delà de tous mes tourments
Et du tournant de tous les rires,
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
Je ne parlerai pas, je ne penserai rien
Mais l’amour infini me montera dans l’âme
Et j’irai loin, bien loin
Comme un bohémien
Dans ma maison où je t’ai vue.
Et dans mes rêves où je t’ai vue
Je ne te quitterai plus.
Pierre
D’après Rimbaud « Sensation » et Armelle Chitrit « Copeaux de l’ombre »
Par les soirs bleus d’été
Je voudrais être mendiant
La main ouverte
Pour attraper le peu de jour
Laisser le vent baigner ma tête nue
Et contempler la vie passante.
Que faut-il pour être mendiant ?
Ne pas parler, ne penser rien
Et partager tout ce qui reste…
Puis aller loin, bien loin
Comme un bohémien
Et se coucher là
Dans l’histoire chétive
De ses vêtements
Pierre
"Voyelles" d'Arthur Rimbaud et "Crayons de couleur" de Chantal Couliou
A noir comme la nuit et les corbeaux
I rouge comme les fraises et le feu
U vert comme les pommes et les prairies
O bleu comme la mer et le ciel
E couleur des vapeurs et des tentes
Y voyelle d’alchimie et de silences
Et toutes les couleurs pour colorier le monde
Les golfes d’ombres, les lances des glaciers, les mers vide
Le monde et les anges
Vibrement divin des âmes et des nuages.
Martine
J’ai regardé devant moi
sous un arbre j’ai vu
le temps sortant de l’eau et du feu
laisser son manteau de broderie.
L’hiver je t’ai vue
de vent, de froidure et de pluie
au tournant de tous les rires portant livrée jolie parmi les blés.
Dans ma maison je t’ai vue
habillée de gouttes d’argent, d’orfèvrerie.
Entre mes bras je t’ai vue
dans le soleil luisant, clair et beau.
Dans mes rêves je t’ai vue
sortant de la rivière, fontaine et ruisseau.
Martine
Avec
Aujourd’hui c’est dimanche, les femmes je le sais ne doivent pas écrire mais pour la première fois aujourd’hui j’écris pourtant parce qu’ils m’ont laissé sortir au soleil afin que dans mon cœur au loin tu puisses lire pour la première fois de ta vie.
Pour la première fois de ma vie, je ne tracerai rien qui ne soi toi-même, m’étonnant qu’il soit si loin de moi mais les mots cent fois dits, venant de ce qu’on aime. Lui beaucoup plus beau, j’ai regardé le ciel sans bouger, semble nouveau qu’il soit si bleu beau, qu’il soit si vaste.
Puis je me suis assis à même la terre en touchant ta main, partageons pour le mieux.
Yasmine
Aujourd’hui c’est dimanche, les femmes je le sais ne doivent pas écrire mais pour la première fois aujourd’hui j’écris pourtant parce qu’ils m’ont laissé sortir au soleil afin que dans mon cœur au loin tu puisses lire pour la première fois de ta vie.
Pour la première fois de ma vie, je ne tracerai rien qui ne soi toi-même, m’étonnant qu’il soit si loin de moi mais les mots cent fois dits, venant de ce qu’on aime. Lui beaucoup plus beau, j’ai regardé le ciel sans bouger, semble nouveau qu’il soit si bleu beau, qu’il soit si vaste.
Puis je me suis assis à même la terre en touchant ta main, partageons pour le mieux.
Yasmine
Soir d’été
Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers,
Et mon cœur, picoté par les blés autour du tien,
Je ne parlerai pas, je ne penserai rien.
Mais l’amour pour toi qui est dans mon âme,
Me rend victime du mal que tu fais.
Et si l’on ne vit plus que d’alarme,
J’irai bien loin, comme un bohémien.
Par la Nature, heureux comme une femme,
Garde l’espoir, moi les larmes.
Mathis
Rêveur, par les soirs bleus d’été, je dirai quelque chose de bien, j’irais dans les sentiers picoté par les blés, frisson d’ombelles rire des lèvres belles, j’en sentirai la fraîcheur o dans la colère par nature j’irai loin mais l’amour infini me montera dans l’âme, suprême cycles en silence qui travers des mondes et des Anges, heureux comme avec une femme je laisserai le vent baigner ma tête nue, lance des glaciers fiers blancs noirs bien loin de tout, bleu jour de votre naissance lente et latentes ne parlerai pas de mes pieds à fouler l’herbe menue Rêveur ! Rêveur
Laurent
La couleur que je porte c’est surtout celle qu’on veut effacer
Changer les couleurs du monde
Chacun s’habille de nouveau
Le temps a laissé son manteau
Le sens où tournera ma ronde
Par les soirs bleus d’été j’irai dans les sentiers
Aurais-tu la clé des problèmes
Garde l’espoir, moi, les larmes.
Afin que dans mon cœur au loin tu puisses lire.
Quentin