Publié le 25 Août 2015

Les moutons

Une longue main, telle une pieuvre géante se rua sur moi. Ce chafouin m'avait surpris au milieu de mon cercle d'amis. Ces fadas frisés ne mouftèrent pas. Pire, leur instinct grégaire les fit fuir. Je ne pouvais m'empêcher d'avoir peur.

- Bon débarras me dit ce chafouin ! Ce ne sont que des lamas, vous ne perdez rien ! Méfiez-vous, mes pouvoirs sont tentaculaires.

Tout à coup, une poudrerie fit disparaitre l'homme. Je fuyais au milieu des bottes de foin comme un chat et ce que je vis au centre du cercle me fit frissonner malgré l'épaisseur de la laine que j'avais sur le dos. J'avais froid.

Maintenant, il ne me restait plus qu'à compter les moutons

Les moutons

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Rédigé par Martine Silberstein

Publié dans #Textes personnels

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Publié le 24 Août 2015

A vélo de Lyon à Toulouse
A vélo de Lyon à Toulouse

Vendredi 24 juillet 2015

Nous partons de Grigny peu après 7 heures du matin. Les vélos sont chargés depuis hier soir. Rive-de-Gier. En passant près de Lorette, je pense faire un coucou à Chantal et Charles, mais finalement, non. Il faut avancer ! A Saint-Chamond nous faisons une pause devant l’ancienne maison des Chanoines (du XVe siècle), maintenant investie par un restaurant.

La maison des Chanoines de Saint Chamond
La maison des Chanoines de Saint Chamond
La maison des Chanoines de Saint Chamond

La maison des Chanoines de Saint Chamond

A la sortie de la ville, plutôt que de prendre la direction de La-Talaudière, nous passons par la Varizelle, une petite montée, pas trop difficile. Le parcours est bien ombragé, je n’étais jamais passé par cette route. Elle monte bien régulièrement. Je mets « tout à gauche » et Antoine trouve que je monte trop lentement. De beaux chardons perchés haut sur leur tige dont certains sont encore un peu bleus parsèment cette vallée.

La Varizelle

La Varizelle

Nous voilà ensuite à Saint-Jean-Bonnefonds où nous achetons du pain. La boulangère nous indique où se trouve le plus proche marchand de vélo car Antoine trouve que mon pneu arrière est mal gonflé. Le vélo d'Antoine a aussi un problème. Sa béquille s'affaisse. Aujourd’hui le gars du magasin ne peut réparer la béquille car elle est fixée sur un tube trop petit. Il faudrait que nous leur laissions un jour ou deux pour qu’il puisse s’en occuper. Pas question, nous ne pouvons pas nous arrêter alors que nous venons de partir ! Troisième problème, mon porte-sacoche avant gauche touche les rayons ! Celui-là même pour lequel j’ai fait ressouder un œillet au gaz argon pour la modique somme de 30€ ! Je dois finalement mettre la sacoche à l’arrière. S’il touche c’est qu’une petite pièce est tordue. Je verrais ça ce soir à Aurec avec André.

Pique-nique « bucolique » à Saint-Etienne, sur les marches, dans un square à côté du centre commercial Centre 2. Bien pratique quand même, pour les besoins urgents. Pas trop urgents quand même car il faut traverser toute la galerie marchande ! Nous avons déjà fait 45 kilomètres et sans avoir trop chaud. Une découverte agréable, cette voie verte le long d’une rivière pour éviter le centre de La-Ricamarie et du Chambon-Feugerolles ! Puis elle zigzague au milieu des HLM, surprenant... Nous finissons par arriver à Firminy sans difficulté.

Après Unieux nous faisons trempette dans la Loire à la hauteur de Saint-Paul-en-Cornillon.

Saint-Paul-en-Cornillon

Saint-Paul-en-Cornillon

Saint-Paul-en-Cornillon

Saint-Paul-en-Cornillon

Vers Semène, les ronds-points sont agrémentés de petites maisons de bois colorées. Arrivés à Aurec-sur-Loire, sur le plat, Antoine n’avance plus. Il s’arrête, repart. Fatigué, il a très mal aux jambes ! Il s’arrête très souvent. Nous faisons une pause, grignotons un mélange que j’ai fait : amandes, noisettes et raisins secs. Malgré son coup de pompe, il n’est pas question pour lui que nous dormions chez André et Josette car, pour lui, 67 kilomètres (ce que nous avons déjà fait) c’est vraiment trop peu pour y songer.

Semène

Semène

Puis il nous faut attaquer la montée direction Pont-Salomon si nous voulons arriver à Ouillas. Et là, ça grimpe ! Vraiment beaucoup ! Nous avons beau être prévenus… Et là Antoine me dit que, finalement, il sera bien content quand il sera arrivé ! La côte est rude. Nous montons maintenant soit en pédalant (à 4 à l’heure !), soit à pied, en poussant le vélo. Quand tout à coup, je me demande si, par hasard, à force de monter, nous n’aurions pas dépassé la route qui mène à Ouillas ! Ce serait le comble… Je n’en dis rien à Antoine et téléphone chez André. Ouf ! Non, il faut (encore !) monter. Je suis devant Antoine, Il faut trouver un sanctuaire et un château d’eau. Ça y est ! Je vois le chemin qui part à gauche en direction du sanctuaire. Mais ce n’est pas là, il faut encore monter. Tiens, les vaches, des Aubrac, qui, non contentes d’avoir leurs doux yeux comme maquillés, portent des piercings dans le nez. Énormes, les piercings !

A vélo de Lyon à Toulouse
A vélo de Lyon à Toulouse

Enfin, une pancarte indique l'entrée d’Ouillas (667 mètres d’altitude) à gauche ! D’après les indications d’André, leur maison est la première à droite après la pancarte du village. Comme je comprends tout de travers, je cherche dès la bifurcation, le nom sur la boîte à lettre de la première maison à gauche ! De nombreux grands arbres sont couchés, abattus, au sol. Une tempête récente, ils portent encore toutes leurs feuilles.

La route s’arrête de monter, un peu, puis ça repart de plus belle. Un joli abreuvoir et son puits attire mon attention. Je reviendrai les photographier. Josette m’attends devant l’entrée de sa maison qui surplombe la route. Elle descend l’escalier et vient à notre rencontre. 71 kilomètres dans les jambes !

Ouillas

Ouillas

Elle nous fait faire le tour et nous entrons par le jardin. Les vélos trouvent tout naturellement leur place sous l’escalier. André arrive. Je suis contente de le retrouver. Cela fait longtemps qu’ils ont quitté Grigny. Ici, ce sont leurs racines. Leurs familles respectives sont originaires de cette région. Ce village est très vivant et toutes les maisons sont habitées. Certaines sont très récentes. Leur fille habite le village d’à côté. Village ou hameau ? Ici, nulle boutique et le boulanger passe deux fois par semaine. Ils vont faire leurs courses à Aurec ou à La Ricamarie.

Ouillas

Ouillas

Ici, et jusqu’à La Ricamarie, on travaillait autrefois le métal et l’on tissait la toile. A Ouillas, la spécialité c’était la fabrication des clous de toutes sortes.Dans la cour d’André et Josette, sur une pierre, énorme galet, on peut encore voir trois trous bien ronds où étaient fixés les parties métalliques d’un outil avec lequel on confectionnait les clous. André m’en montre différentes sortes fixés sur une planche dans l’entrée. Ici, le tissage des bandages élastiques, en particulier était une autre activité très répandue. L’entreprise Thuasne, encore existante de nos jours (chevillières, genouillères, bas de contention…) apportait le fil pour tous ces travailleurs et travailleuses à domicile, isolés dans ces campagnes lointaines. Le couple est vraiment adorable, accueillant. Militants catholiques, peut-être plus maintenant, mais toujours abonnés à des revues chrétiennes. C’est lui qui, avec d’autres est à l’origine de la création des Potagers du Garon de Grigny, du Réseau de Cocagne.

Ouillas

Ouillas

Maison pour tous d'Ouillas

Maison pour tous d'Ouillas

Nous discutons dans le jardin pendant qu’André essaie de réparer la béquille d’Antoine. Il glisse un morceau de tuyau en plastique afin qu’elle ne tourne plus sur elle-même quand il la déplie et que le vélo ne s’écroule au sol, lui et toutes ses sacoches. Tiens, au fait, où est Antoine ? Je traverse la salle à manger jusqu’à la cuisine où nous avons bu un coup à notre arrivée. Pas étonnant ! Il a dû partir faire des photos dans le village !

Puis ensuite André s’attaque à plus difficile : le porte-sacoche. Dans son atelier, avec des vis et des écrous plus gros il tente de l’éloigner des rayons. Il essaie aussi de le tordre dans l’autre sens car visiblement, le métal est tordu, mais fait attention de ne pas le casser. Bon, c'est pas mal. Mais quand j’accroche la sacoche, nous nous apercevons que le résultat n’est pas atteint. Remettre le son ouvrage sur l’étau, à nouveau. Et cette fois, c’est bon !

Nous avons retrouvé Antoine ! Il n’était pas du tout en train de fouiner dans le village à la recherche d’une bonne photo à faire mais affalé dans le canapé, au fond, dans la salle à manger, dormant comme un bienheureux !

Une bonne douche me requinque. Je pars faire des photos dans le village. Antoine dort encore !

Ouillas

Ouillas

Son jardin n’a plus grand-chose depuis la tempête de samedi. Nous en faisons le tour, André et moi. Il aime ce travail de la terre. Il aime aussi remonter des murs en pierres et faire de petites niches dedans.

Le jardin d'André

Le jardin d'André

Carottes râpées, tomates, œufs durs ; les seuls légumes issus de son travail que nous mangeons au repas du soir sont des pommes de terre miniatures. C’est vrai que nous aimons les légumes mais un bon plat de pâtes n’aurait pas été de refus… Nous mangeons du fromage, des fruits et pour finir une bonne tartine de confiture de prunes et une autre de mûres qui me rappellent un repas que nous avions fait avec les filles, petites, quand j’étais allée les chercher après leurs vacances à la ferme à Chambost-Longessaigne. Dans le village nous avions mangé un excellent pot-au-feu, tout ce qu’il y a à la fois de simple et de succulent, dans un petit bistrot. Et le dessert c’était de la confiture étalée sur du bon pain…

Josette demande s’il faut faire des pâtes. Non, nous avons finalement très bien mangé. Si bien que nous déclinons même sa proposition d’un sorbet au cassis fait maison.

A l’étage, une grande chambre et une salle de bain/ toilettes. Et deux lits.

Le lendemain le réveil sonne à 6h30. Josette et André sont déjà debout quand nous descendons. Ils sont très matinaux. Un bon petit déjeuner fait de tartines avec les confitures de Josette, du thé. Puis il faut tout ranger dans les sacoches, ne rien oublier.


Samedi 25 juillet


Il est 8 heures et nous remontons en selle. Nous ne reprenons pas le même chemin qu’hier, contrairement à ce que je craignais. Nous traversons le village d’Ouillas. Et c’est la descente. Nous passons vers la sortie de La Chapelle-d’Aurec, sans être passé par le village lui-même. Les indications de nos amis sont précieuses car nous trouvons facilement l’enclos des chevaux après lequel nous tournons à droite.

La Chapelle d'Aurec

La Chapelle d'Aurec

La Chapelle d'Aurec

La Chapelle d'Aurec

Arrive la nationale 88, et, juste à côté, une toute petite route. André nous a dit de prendre la nationale. Où va cette petite route ? Pas d’hésitation, nous suivons ce que nous a dit André. Quand tout à coup, Antoine panique, il crie. Un panneau de limitation de vitesse à 110. Il veut faire demi-tour ! Nous n’avons pourtant pas vu d’indication d’interdiction aux vélos, rien. Impossible de faire demi-tour, ce serait encore plus dangereux. Nous roulons sur la bande d’arrêt, le plus à droite de la bande possible. C’est une deux fois deux voies, les voitures roulent à des vitesses incroyables pour nos deux pauvres vélos. Antoine veut marcher derrière la glissière de sécurité. Il n’y a pas de place. Il est terrorisé, tétanisé, il crie que je suis complètement folle, irresponsable, que c’est la dernière fois qu’il part avec moi à vélo. Je roule devant doucement alors que j’aurais plutôt envie de filer le plus vite possible car la prochaine sortie est toute proche. Je m’arrête, je l’attends encore. Il est passé derrière la glissière car il y a un peu plus de place maintenant. Après le pont il s’arrête à côté de moi. Il y a un portail permettant aux secours d’entrer sur la voie rapide. Il veut faire passer nos vélos par-dessus. La prochaine sortie est tout près mais il ne veut rien entendre. Je suis d’accord à condition que l’on arrive à faire passer les vélos d’abord et sans les sacoches. Nous désharnachons nos montures. Antoine passe le premier et attrape les vélos l’un après l’autre puis les sacoches. De l’autre côté il faut tout remettre en place. Cette petite route… finalement… allait au bon endroit ! Nous croisons un cyclo. Une belle descente… et mon porte-sacoche qui branle encore dans le manche… Je m’arrête car je viens de voir que la sacoche touche les rayons, maintenant. Antoine est devant, il attendra. La soudure à l’argon a tenu. Ce sont les vis qu’André a ajouté qui sont parties, perdues. Derrière, sur le porte-bagage arrière j’ai une grande sacoche où sont les outils et les cartes et, de part et d’autre de celle-ci sont deux toutes petites poches. J’en vide une et à la place j’accroche la sacoche qui était à l’avant.

Quadruplette, pour aller quatre fois plus vite ?

Quadruplette, pour aller quatre fois plus vite ?

Nous sommes arrivés à Monistrol-sur-Loire et je me souviens du marché « paysan » où nous nous étions approvisionnées Bernadette et moi en redescendant du Mont-Gerbier-des-Joncs. C’est justement aujourd’hui ! Nous achetons du pain, des tomates, des fruits et du fromage puis nous cherchons la route qui part en direction de Bas-en-Basset. Nous demandons notre chemin à deux femmes habillées comme dans les années 70. Leurs visages « respirent l’intelligence »… On pourrait les croire tenues à l’écart de la civilisation depuis cette époque lointaine tant dans leur façon d’être, de parler, de s’habiller et de leur réponse : « Il faut tourner après un magasin qui s’appelle Carrefour » sont surprenantes. Ont-elles, comme dans le film Les visiteurs utilisé une machine à aller dans le futur ?

Aujourd’hui il fait beau, ce n’est pas comme lors de cette randonnée à vélo avec ma copine où nous avions été contrainte de dormir à l’hôtel de cette commune, traversant le trou rempli d’eau jusqu’à mi-mollet qui s’était formé devant l’entrée de l’établissement !

Après le pont sur la Loire au lieu de tourner à droite direction Bas-en-Basset, nous tournons à gauche. C’est la route que nous avions prise avec cette même copine.

Les remparts de Beauzac sont magnifiques !

Beauzac

Beauzac

Beauzac

Beauzac

Pour éviter la nationale, nous prenons une route qui longe la Loire. Pour y parvenir, une descente magnifique! Le hameau de Bransac est pittoresque mais pour quitter les bords de Loire, ce n'est pas une route mais un chemin.

Bransac

Bransac

Bransac

Bransac

A vélo de Lyon à Toulouse
La montée est rude !

La montée est rude !

Voici Retournac puis Vorey et Lavoûte-sur-Loire. Je me souviens tout à coup que ce parcours a en partie été tracé grâce à un cyclotouriste trouvé sur la carte interactive du site de la Fédération Française de Cyclo-Tourisme (FFCT) ! Mais nous avons sans doute dépassé son village. Je l’appelle cependant pour le remercier et m’excuser de ne pas l’avoir appelé plus tôt. Je laisse un message sur son portable. Très vite, mon téléphone sonne. C’est lui ! Sa maison est après Le Puy-en-Velay et nous y sommes presque ! Il nous invite à manger et à dormir chez lui. Il part de chez lui à vélo et nous donne rendez-vous à la grande poste. La route est droite et plate, très belle car elle suit la Loire mais Antoine n’a plus de jambe. Le matin, tout fringant, il avalerait les kilomètres à la vitesse grand V mais en fin de journée il n’avance plus, se traîne, toute son énergie a été utilisée. Sa batterie est à plat… Alors que moi, le matin j’ai du mal à démarrer et dans l’après-midi je pourrai rouler assez longtemps surtout comme aujourd’hui où le paysage est beau, la route facile. Nous nous arrêtons et Antoine casse la croûte de pain et de fromage. Et nous repartons. Le téléphone sonne à nouveau. C’est Georges ! Il est déjà arrivé à la poste. Il vient à notre rencontre. Le voilà ! C’est un rapide. Nous faisons connaissance. Quand nous passons devant une pharmacie, comme il ne nous reste presque plus de Sporténine®, je m’arrête. Mon portefeuille n’est pas accessible. Je ne connais pas Georges plus que ça et pourtant, il me tend une pochette avec carte bleue, billets, pièce d’identité ! Je ne reviens pas de cette totale confiance…

Château de Lavoûte

Château de Lavoûte

Il habite Tarreyres, à 10 kilomètres du Puy, sur la commune de Cussac.Il nous propose de laisser nos sacoches dans la voiture de sa femme. Nous roulons jusqu’au parking où nous l’attendons. Pendant ce temps il roule jusqu’au magasin de sa fille chercher les clés de l’auto. Puis nous repartons sur nos vélos, tous légers. Arrêt à la pâtisserie, nous achetons un gâteau pour ce soir. Puis nous allons à la boutique que tient sa femme lui rendre les clés de la voiture et lui laissons le gâteau. Antoine est aux anges ! Ce magasin vend du matériel pour artistes peintres : aquarelle, fusain, toile… mais aussi des tableaux fait par Annabelle la fille de Georges. Elle n’est pas là et c’est sa sœur et sa maman qui tiennent la boutique pendant qu’elle suit des cours de dessin. Georges est un passionné de sa ville qu’il connaît très bien. Comme guide, il est parfait et c’est souvent qu’il accueille des cyclotouristes et qu’il leur fait faire une visite. Ainsi, il nous raconte que la cuvette dans laquelle se trouve Le-Puy-en-Velay était autrefois une mer intérieure qui s’est ensuite vidée à cause d’un tremblement de terre.

Ingénieur agronome de formation, il est président du conseil d’administration du lycée agricole de la ville. Mais aussi maire adjoint de sa commune et élu à la communauté de communes. Et comme il est retraité de la chambre d’agriculture et qu’il a le temps, il est aussi membre de la confrérie de la lentille verte du Puy, trésorier de je ne sais plus quelle association et secrétaire du club de cyclotourisme de la ville, ce qui lui vaut d’être sur le site de la FFCT, ce qui m’a permis de le trouver et de lui demander conseil pour le parcours.

Il nous fait remarquer que les vélos sont nombreux, sur la route… accrochés aux voitures !

Même si nous sommes légers, la route qui part du Puy grimpe vraiment beaucoup ! Tellement que je monte à pied une bonne petite côte. Puis nous roulons encore et ça monte toujours ! Je comprends pourquoi Georges est arrivé si vite ! J’ai l’impression que mon pneu arrière est dégonflé et qu’il ne tourne pas rond. Il m’assure que non. Nous y sommes. Georges propose de passer chez Annabelle avant d’arriver chez lui mais Antoine, trop fatigué, préfère aller directement chez Georges.

Dans le village, je remarque, sur la gauche, un mur très sombre et un portail surmonté de trois croix. Une fois chez lui Georges met de la confiture et du pain sur la table. Antoine dévore ! Nous buvons une bière chacun. Le temps de boire et de manger, nous sortons et le pneu est complètement à plat ! Georges arrive à convaincre Antoine de passer chez sa fille avant que sa femme ne rentre du Puy. J’ai froid. La fatigue et la transpiration. Il me prête une veste polaire de son épouse.

Annabelle a un parcours scolaire qui ressemble à ce qu’Antoine voudrait faire et qui donc, pourrait l’intéresser. Elle a fait des études d’arts plastiques assez poussées mais n’a pas voulu devenir professeur. Elle gagne régulièrement des concours de peinture et vend ses tableaux. Elle donne aussi des cours dans son magasin (à très peu de personnes à la fois). Il très bien situé dans la vieille ville. Et elle a ajouté une corde à son arc car elle fait également des encadrements.

Arrivés chez elle, tiens, elle habite la maison dont j’avais remarqué le portail en arrivant. Ce ne sont pas trois croix mais une croix au centre et une pierre de part et d’autre. Il date de 1803. C’est la maison où a vécu Georges, enfant. Sa fille l’occupe maintenant. Ils reçoivent un couple d’amis, avec de jeunes enfants, eux aussi. Nous buvons un jus de fruit tout en picorant des chips.

Tarreyres

Tarreyres

Anne-Marie, la femme de Georges arrive et nous repartons chez eux. J’ai expliqué à notre hôte mon problème de porte-sacoche avant. Quand à mon pneu arrière, à plat, il est transpercé par un morceau de plastique dur et pointu, de la bakélite. Un petit bout de la gomme est même soulevé. Il change la chambre à air pendant que j’aide sa femme à éplucher des oignons. Je redescends au garage. Il a redressé la pièce rectangulaire du porte-sacoche qui comporte des trous, mais pas la même partie que celle qu’André a travaillée. Il enlève la roue avant pour remonter plus facilement le porte-sacoche. Une fois tout réinstallé je teste avec une sacoche. Cette fois ce devrait être vraiment bon ! Anne-Marie s’impatiente, le repas est prêt.

Nous nous sommes installés au sous-sol où se trouvent une grande chambre et une douche. Nous lavons un peu de linge. Dehors, sur la barrière avec le vent et le soleil il sera vite sec !

Le repas commence par une soupe dont je connais le goût mais dont je n’arrive pas à trouver la composition. Des fanes de radis ! Ma mère en fait. Nous l’arrosons de lait de la ferme d’à-côté, bien crémeux, c’est un régal. Un reste de quiche à la tomate, froide. Puis suit un bon plat de pâtes (Des pâtes : on sent le cyclotouriste averti !), du fromage et le gâteau que j’ai acheté. Il est temps d’aller faire dormir les yeux. Antoine est parti se coucher avant moi mais quand j’arrive dans la chambre il ne dort pas, occupé à envoyer et à lire des textos.

Dimanche 26 juillet

Le lendemain matin, de bonnes tartines de confiture, du thé… C’est une chance, nos hôtes se lèvent tôt ici aussi ! Il part à vélo rejoindre des copains pour un repas entre amis. Sa femme le rejoint en voiture.

Georges nous explique par où passer pour trouver l’ancienne voie ferrée devenue une voie verte. Nous partons.

Chassilhac, puis Concis où je photographie une fontaine et une croix,

Chassilhac

Chassilhac

Chassilhac

Chassilhac

Le-Brignon. Puis nous rejoignons une ville plus importante, Costaros. Juste avant d’y arriver, nous croisons deux cyclocampeurs très sympas ! Ils nous conseillent une route qu’ils ont prise et qui est vraiment très belle. Ils viennent de Montpellier et vont à Brest. Sont pas arrivés…

A Costaros nous faisons des provisions. D’abord un excellent boucher-charcutier, puis, à côté une boutique bio où tout nous fait envie. Elle est bien achalandée et décorée de tableaux animaliers. Nous finissons à la boulangerie et au petit supermarché où nous achetons ce qu’il manque. Sur les indications d’un gars du coin nous partons sur la grande route. Là, un gars vend des « champignons de la régionS »… Demi-tour ! La route pour Le-Bouchet-Saint-Nicolas commence dans Costaros ! Là, je montre à Antoine à quoi ressemble un champ de lentilles. Il faut connaître pour le trouver ! Chaque plant de lentille ne comporte que deux minuscules graines vertes. La route est belle, il fait beau.

Lentilles
Lentilles

Lentilles

Après Costaros

Après Costaros

Statue de Stevenson, Le Bouchet Saint Nicolas

Statue de Stevenson, Le Bouchet Saint Nicolas

Et comme nous l’avaient annoncé Georges et les cyclos campeurs, la descente sur le Nouveau Monde est fabuleuse ! Le point de vue, magnifique ! Rien que le nom (Nouveau monde) fait rêver. C’est un cirque où passe l’Allier. Sur le promontoire j’entends un accent de la Loire très marqué : ce sont des motards de Chazelles-sur-Lyon, pas loin de chez nous.

A vélo de Lyon à Toulouse
Le nouveau monde

Le nouveau monde

Tout en bas nous traversons un camping pour aller pique-niquer au bord de l’Allier, assis sur des rochers. Un vrai bonheur ! J’apprendrais ensuite par un cyclo Lyonnais venu en train jusqu’à Saint-Etienne que ce camping est tenu par un ancien habitant de Taluyers. Ce cyclo est adhérent au club de Montagny, tout près de chez nous. Il va ainsi jusqu’à Mende dans la journée, soit 195 kilomètres pour rejoindre des membres de sa famille.

Nouveau Monde; vieille mobylette

Nouveau Monde; vieille mobylette

Nous sommes sur le lieu-dit de Chapeauroux qui a aussi donné son nom à la rivière, rivière que nous suivrons ensuite presque jusqu’à sa source, vers la fontaine de Du Guesclin. En patois, on dit « Chap Auros ». Peut-être que Auros vient de « eau » comme le Mont-Dore ou les Monts-d’or.

Nous allons jusqu’à Saint-Bonnet-de-Montauroux puis nous partons sur Laval-Atger. Avant Grandrieu nous faisons des photos de la chapelle de Saint-Méen, et sa fontaine (sur la commune de Peux-et-Couffouleux). Elle est sensée guérir les problèmes dermatologiques (à l’origine, la peste, mais aussi la teigne des enfants et la gale des brebis). Le 24 juin, chaque année a lieu un pèlerinage. Nous y croisons une famille tractant une remorque énorme, basse et agrémentée de grilles d’aération. En sortent deux chiens. Elle peut en contenir jusqu’à quatre, chacun dans un espace restreint, conçu pour qu’ils ne valdinguent pas à chaque virage ou ressaut de la route. Jamais vu ça.

Elle ne m’a pas porté chance, cette chapelle ! Ou est-ce à cause du message en forme de clin d’œil qu’a écrit Antoine dans son livre d’or : « Vive le cyclotourisme ! » ?

Saint Méens

Saint Méens

Saint Méens

Saint Méens

Saint Méens

Saint Méens

Saint Méens

Saint Méens

Dans la descente, voilà l’œillet soudé à l’argon qui … casse … Rebelote ! Le travail de réparation de Georges n’aura servi à rien. Et voilà mes sacoches qui se retrouvent à nouveau attachées au porte-bagage arrière ! Je dévisse la partie de mon porte-sacoche resté fixé à la fourche et je l’accroche à mon guidon. Quand j’aperçois Antoine, qui m’attend, je tends mon bras, avec, dans la main, le porte-sacoche ! Nous nous arrêtons et je le glisse sous les tendeurs qui maintiennent tente et matelas sur son porte-bagage arrière.

A Grandrieu, c’est le festival Franco-belge et ses personnages et animaux faits de plastique, de lichen et autres matériaux. Le village est jumelé avec une ville Belge. Ceci explique cela…

Grandrieu

Grandrieu

Grandrieu

Grandrieu

Grandrieu

Grandrieu

Grandrieu

Grandrieu

La laine des mouton est en lichen

La laine des mouton est en lichen

Grandrieu

Grandrieu

Grandrieu

Grandrieu

Grandrieu

Grandrieu

A Châteauneuf-de-Randon, le cénotaphe (tombe qui ne comporte pas le corps du défunt) de Bertrand Du Guesclin, « connétable de France né en 1313 et mort en 1380, précurseur de Jeanne d’Arc dans le relèvement national » trône sur une butte, au carrefour. Nous n’entrons pas dans ce village et tournons à droite sur la D988 qui se transforme tout de suite après en RN88.

Un peu plus loin, deux pancartes indiquent la fontaine de Du Guesclin. Je garde les vélos. Antoine monte le sentier de 300 mètres et revient, totalement déçu. Pour lui, « c’est un truc bétonné sans âme et sans aucun intérêt » ! Je ne monte pas pour ça. Il ne l’a même pas pris en photo. Mince ! Il a oublié ses lunettes là-haut. Il remonte les chercher.

Quelques kilomètre après Châteauneuf-de-Randon

Quelques kilomètre après Châteauneuf-de-Randon

Alors là, la route grimpe ! La borne indiquant l’altitude la plus élevée indique 1264 mètres mais Antoine dit avoir vu plus loin, 1300 mètres. Ça n’arrête pas de monter !

En plus, le vent nous freine. Nous faisons une halte à l’abri dans la cour d’une maison pour grignoter un peu. Il doit être un peu artiste celui qui habite ici, il a décoré sa boîte à lettres.

A vélo de Lyon à Toulouse

Après 83 kilomètres nous trouvons un camping à Laubert, avant Mende. C’est un petit camping, municipal, pas très cher (11,50€) tenu par un couple de retraités. C’est aussi une station de ski de fond. Et même si ces dernières année il n’a pas beaucoup neigé, l’hiver, il fait si froid, que la neige tient longtemps. Il fait froid, le vent souffle, glacé.

Lundi 27 juillet

Le lendemain matin, la route descend, et même bien jusqu’à Mende ! Quasiment 20 kilomètres de descente ! Sur le chemin nous faisons une halte dans une supérette attenante à un bistrot. Ce matin, sans pain ou presque, juste un quignon, le petit déjeuner était plutôt léger ! Alors après les courses, au bistrot, nous buvons thé et chocolat chaud avec des gâteaux.

Mende. Le temps que je retire de l’argent au distributeur, Antoine photographie une sculpture située devant le nouvel hôtel de ville. En face, de l’autre côté de la rue, l’ancienne mairie.

Mende

Mende

Mende

Mende

J’ai mal à la gorge. Nous sommes lundi, la pharmacie est fermée. J’achète un spray à la propolis dans un magasin bio. Ensuite la route, c’est encore la nationale 88. Antoine a de nouveau un peu peur car comme elle mène à l’autoroute, ça circule vite et beaucoup. Jusqu’à Balsièges, ça continue à descendre mais après… Houlà là ! Au début la pente est raisonnable quoique sérieuse (6,5%). Pause à la ferme fortifiée du Choizal qu’Antoine photographie sous toutes les coutures. Ce château date de 1664, du temps de Louis XIII et était propriété des évêques de Mende. Elle servait de poste de garde car au croisement des routes de Mende, Saint-Enimie et Chanac et Ispagnac.

Ferme fortifiée du Choizal

Ferme fortifiée du Choizal

Ferme fortifiée du Choizal

Ferme fortifiée du Choizal

Ferme fortifiée du Choizal

Ferme fortifiée du Choizal

Après la pause, aïe, mes aïeux… C’est vrai que la route est belle mais que c’est difficile ! Parfois elle descend, mais quand elle remonte, les côtes sont à beaucoup plus que 9% puisque la moyenne, nous l’apprendrons ensuite est de 9% ! Pour ne rien arranger, une douleur persistante au pied gauche, (à l’articulation du pied et des doigts de pieds) me gêne pas mal. Tendinite ?

Le causse de Sauveterre semble désert, à perte de vue, le plateau est vallonné et rocheux, l’herbe est sèche, le vent contraire n’arrange rien, pas plus que le soleil brûlant.

Les Causses

Les Causses

Antoine roule loin devant. Alors je m’imagine sur le tandem, et dans ma tête je parle avec Christian, derrière. Et je me sens moins seule.

Mon téléphone sonne. C’est une fille qui écrit un mémoire sur les Jardins de Cocagne. Marc, le président des Potagers l’a orientée sur moi car j’ai rédigél’histoire de notre association. Je lui promets que mon conjoint lui enverra le texte par courriel.

Nous avons faim. Mais manger en plein vent… Un bâtiment, long, Un silo sous lequel se trouvent une petite esplanade plate et cimentée et… une chaise qui me tend les bras ! Super ! Au soleil et à l’abri du vent, cette bergerie (nous entendons des moutons de temps à autres qui bêlent), nous serons parfaitement bien pour le pique-nique. Surtout moi, qui me suis appropriée le siège ! Nous étions en train de manger quand survient un homme, le propriétaire du troupeau (peut-on dire berger quand on a 300 moutons ici et encore deux autres bâtiments avec encore autant de bêtes ?). Là, elles dorment car il fait trop chaud et il y a trop de vent. Elles ont mangé et ne ressortiront qu’à la nuit tombée quand les ardeurs du vent et du soleil se seront calmées. Je les ignorais si sensibles… Beaucoup de brebis ont récemment mis bas et si nous entrons dans la bergerie pour aller les voir il faudra bien refermer la porte pour éviter les courants d’air, les agneaux sont très fragiles et leurs maman aussi.

Une fois notre pique-nique terminé, nous ne réussirons pas à entrer et nous ne verrons pas ces petites bêtes sans doute très mignonnes.

Le propriétaire (peut-on dire le berger quand les bêtes sont enfermées toute la journée dans un bâtiment en tôle et en parpaings ?! Poser la question c’est y répondre) nous a assuré qu’après sa bergerie nous aurions de la descente tout le long ! C’était bien vrai ! Quel bonheur…

Nous arrivons très facilement à Saint-Enimie !

L'avoir ou pas, là n'est pas encore la question !

L'avoir ou pas, là n'est pas encore la question !

Saint-Enimie

Saint-Enimie

Le village est marqué par la légende d'Énimie, une princesse atteinte de la lèpre. Fille de Clotaire II, sœur de Dagobert Ier, ayant donc vécu au VIIe siècle. Énimie aurait guéri de la lèpre dont elle était atteinte, grâce aux eaux de la source de la Burle. Nommée abbesse, elle aurait fondé un monastère, autour duquel le village s'est développé.

Saint-Enimie

Saint-Enimie

Le site est si joli que nous décidons de le visiter. Antoine ne veut pas lâcher le vélo, moi, je suis pour les attacher quelque part en sécurité.

Saint-Enimie

Saint-Enimie

Saint-Enimie est un joli village moyenâgeux pavé, tout en montées et en descentes. Pousser le vélo, chargé, quelle galère ! Le marchand de glaces ne veut pas prendre la responsabilité de les surveiller. Nous allons les attacher sous les fenêtres de l’office de tourisme.

Saint-Enimie

Saint-Enimie

Les touristes sont désargentés et les commerçants plein de ressources

Les touristes sont désargentés et les commerçants plein de ressources

Toutes les méthodes pour attirer le client sont employées !

Toutes les méthodes pour attirer le client sont employées !

A vélo de Lyon à Toulouse
Clin d’œil aux femmes...

Clin d’œil aux femmes...

Et aux messieurs

Et aux messieurs

Antoine se régale à sillonner les ruelles, l’objectif braqué sur les vieilles pierres, les angles des rues, les toits herbus.

A vélo de Lyon à Toulouse

Au bout d’un moment, lasse de le suivre et de m’arrêter tous les dix pas je rebrousse chemin.

Saint-Enimie

Saint-Enimie

Je tombe en arrêt devant un cyclo touriste muni d’un système de bidon jamais vu auparavant. Il est fixé devant le guidon et est muni d’une grande paille ! J’essaie de discuter avec lui. Mais de quel pays est-il ? Il me demande si je parle anglais. Ben… non. Moi française, et vous ? Il me répond des trucs que je ne comprends pas. Me montre son tee-shirt. La réponse est inscrite dessus ? Je n’y vois qu’un sigle. Son porte-bagage arrière est très haut. Dessus y est fixé un sac à dos assez volumineux. Antoine arrive à la rescousse ! Qu’est-ce qu’il parle bien anglais mon fils ! Le gars vient de Californie. Il suit le parcours du Tour de France, la partie du sud de la France, les Pyrénées… (De l’Atlantique à la Méditerranée, il nous montre la carte) puis ensuite il fera le Giro, le tour d’Italie. Sur son guidon, un GPS très perfectionné, avec tous les dénivelés. Il s’est débarrassé d’un sac qui pesait encore quatre ou cinq kilos de trop. Il roule 8 à 12 heures par jour, arrivant à faire jusqu’à 200 kilomètres par jour !! Mais 12 heures, dit-il, c’est le maximum. Tu parles ! Il doit manger des casse-croûtes la journée et au resto le soir. Pas de tente, il dort sans doute à l’hôtel.

Arrivée aux vélos… Où est la clé du cadenas ? Je ne la trouve pas dans ma sacoche… Là ! Par terre ! Elle est restée tout le temps de la visite (combien de temps ? Plus d’une heure, c’est sûr !) juste à côté des vélos…

Nous repartons et nous commençons à longer le Tarn. Nous le suivrons 200 kilomètres durant (198 plus exactement, si mes calculs sont bons). Les gorges sont magnifiques, ces rochers, cette eau claire, toutes ces maisons en pierre, ces villages, Saint-Chély-du-Tarn, plusieurs cirques et détroits, La-Malène… Des promontoires rocheux à moins que ce ne soient des châteaux surplombent la rivière. Demoiselles coiffées, le spectacle de la nature me réjouit toujours autant.

A vélo de Lyon à Toulouse

Je suis fatiguée, toute cette montée de ce matin, le vent de face tout l’après-midi même si la route était plate... mais cette fois c'est Antoine qui est encore fringuant. Nous avons fait plus de 80 kilomètres. Je veux m’arrêter à ce camping, lui non ! Nous sommes à Mostuejouls, sur la commune de Peyreleau. Antoine roulerait bien encore un peu. C’est vrai que les campings ne manquent pas. Je bifurque à gauche. Contraint et forcé, il suit. Je rentre dans le bar qui sert de local d’accueil et de mini épicerie. Le patron annonce le tarif : 17,50 euros ! Quoi ! Juste pour notre toute petite tente, nos deux vélos et deux personnes ! Alors que nous avons payé 11,50 € à Laubert, au camping municipal ! J’étais prête à repartir, et là le gars me dit, bon, d’accord, 15 euros, ça vous va ? Bon, là, difficile de reculer. Top là, c’est d’accord ! On s’installe où on veut. Douches chaude, piscine (mais nous n’en profiterons pas), et surtout il nous propose d’utiliser la table de pique-nique installée sous un abri en toile. Parfait ! Nous achetons les bricoles qui nous manquent pour ce soir, comme une baguette et des pâtes et nous commandons le pain pour demain matin.

Nous nous installons au bord du Tarn, enfin, c’est Antoine qui installe la tente (depuis le début de notre randonnée à vélo cette année), déplie MON matelas (marre de dormir sur les cailloux, cette année c’est le grand luxe, ce matelas auto gonflant ni lourd ni encombrant), et les deux duvets.

Une bonne douche et puis je fais chauffer de l’eau d’abord pour la soupe, qu’il faut faire un peu mijoter. Je fais ensuite cuire des pâtes, le fond de soupe lui donnera du goût. Puis je lave la casserole pour refaire chauffer de l’eau, pour la tisane et enfin une quatrième casserole d’eau pour faire cuire notre mélange de graines (lentilles, riz, haricots blancs, quinoa…). Pendant ce temps nous mangeons, et après, c’est la vaisselle. La routine, quoi. L’avantage, ici, c’est que je laisse les deux sacoches dédiées à la bouffe sur le banc et le petit camping-gaz e la vaisselle sur la table. Toujours ça de moins à ranger ce soir et à sortir demain matin.

Je téléphone à Roland. D’après lui il nous reste 115 à 120 kilomètres avant Albi

Albi

Albi

puis 85 kilomètres jusqu’à Toulouse. Soit 200 kilomètres au total ! Et il ne nous reste que… deux jours ! Donc, il va falloir pédaler, heureusement que, « en principe », c’est plat tout le long ! Espérons que le vent se calme.

Avant d’aller se coucher je vais éteindre le gaz et je mets les graines cuites dans la passoire que je laisse égoutter toute la nuit, tranquille.

Je laisse la toile de tente ouverte car Antoine n’est pas encore revenu. Le paysage est magnifique. Je ne sais pas faire mais j’essaie de le croquer sur mon carnet. Les falaises, en face, la forêt au-dessus et en-dessous, surmontées de la lune ronde et les hirondelles qui vont et viennent. L’eau du Tarn coule presque sans bruit. Je la sens présente, sa fraîcheur, les plantes caractéristiques qui le borde.

Mardi 28 juillet

Le lendemain, le château de Peyrelade, perché très haut sur son éperon rocheux est impressionnant ! C’est une forteresse médiévale construite entre le XIe siècle et le XVIe siècle. Il est situé sur la commune de Rivière-sur-Tarn, dans le département de l'Aveyron. J’ai cru que c’était un rocher en forme de ruine, tant les pierres de la bâtisse se confondent avec le roc. Dommage, mais nous n’avons pas le temps de le visiter.

Après le camping la route monte et nous dépassons Le-Rozier. Une pause, une glace dégustée sur place,

Le Rozier

Le Rozier

La Cresse

La Cresse

puis Aguessac et nous arrivons à Millau. Beaucoup de plat mais aussi quelques montées et toujours le même plaisir de suivre le Tarn. Le vent, lui n’a pas faibli.

Nous arrivons sur Millau par une route assez circulante, même si ce n’est qu’une départementale, et de l’autre côté je remarque un coureur à la foulée marathonienne. Il coure presque aussi vite que nous roulons. Rien de l’arrête, pas même le train ! Il passe sous la barrière. Nous, nous attendons que le TER passe, prudents. Le bitume à Millau est dans un sale état, pas facile de rouler pour nous, pauvres cyclistes.

Toutes les pancartes veulent nous faire passer par Saint-Affrique et la D992 !

Millau

Millau

Une autoroute évite aussi aux gens pressés de se déplacer sur ces petits axes. Et nous, nous préférons les toutes petites routes. Alors nous demandons par deux fois notre chemin. C’est la D41qui va à Compregnac en direction de Saint-Rome-de-Tarn. Avec raison, car nous arrivons sur une petite route sympa qui passe sous ce grand oiseau blanc qu’est le viaduc de Millau. Majestueux, aérien, une prouesse architecturale d’une pureté et beauté à couper le souffle. Antoine ne se lasse pas de le photographier, admiratif.

Architecte est l'un des métiers qu'il a envie de faire.

Viaduc

Viaduc

Viaduc

Viaduc

Viaduc, la tête  dans les nuages

Viaduc, la tête dans les nuages

Viaduc de Millau

Viaduc de Millau

Hésitation, la route repart en direction de Saint-Rome-de-Tarn mais Antoine veut nous fait suivre le Tarn au plus près. C’est la D 200 qui nous emmène au Pinet. Minuscule mais vertigineuse route. Des points de vue sur la rivière, si perchés que je ne peux que monter à pied en poussant le vélo. Et avec ça, un soleil ! A part le mal au pied à l’articulation entre le pied et les doigts de pied j’ai aussi des fourmis dans la main gauche qui ne passent que si je lève le bras pour faire circuler le sang.

Le Tarn

Le Tarn

Heureusement, qui dit montée dit descente ! Des barrages, des conduites forcées et même des éoliennes, ici la nature est généreuse en énergie ! Le Pinet, est situé dans une sorte d’île, là,deux bancs surplombant la vallée nous attendent. Dans ce tout petit village il y a même un robinet et des toilettes sous l’église ! Parfait.

Le pont qui relie Le Pinet à la rive

Le pont qui relie Le Pinet à la rive

Après ça monte, mais raisonnablement. Le Truel, puis La-Jourdanie (ils ont voyagé par ici : après Saint-Affrique, La-Jourdanie…).

Le Tarn est facile à suivre, ici, c’est plat. Je roule devant. D’habitude Antoine me double très facilement, mais là, non. Où est-il ? Il est devant ou derrière moi ? J’arrête moto, voiture dans un sens, camion dans l’autre et je le décris. Je me dépêche de rouler dans la descente pour le rattraper ou je m’arrête à l’ombre pour l’attendre ? A côté d’une entreprise de paysagiste un chauffeur me propose même de repartir dans l’autre sens pour essayer de le retrouver ! Bredouille. Je repars. D’habitude, il m’attend à chaque carrefour. Il est sans doute devant, à m’attendre. Sur la carte, à Broquiès c’est la prochaine intersection. Et là, personne ! Ça devient inquiétant. Une voiture passe. Je leur transmets tant et si bien mes craintes que la passagère me demande mon numéro de portable, m’assurant qu’ici, il n’y a pas de problème de réseau. En cas de besoin elle propose de laisser mon vélo chez eux (la maison est facile à trouver, c’est la plus proche de l’entrée du village et elle est très fleurie. Précision : le village comporte une gendarmerie…). Elle me rappelle très peu de temps après m’annonçant qu’il est à cinq minutes de là. Et voilà comment une envie pressante me fait perdre Antoine pendant plus de 20 minutes à me ronger les sangs…

La dame nous conseille de passer par Brousse-le-Château. Et ici, on ne dit pas le Tarn mais « Le Tar » ! Et voilà Antoine ! Il me dit qu’il avait garé son vélo bien en évidence sur le bord de la route dans le village précédent (La-Caze) … mais je ne l’ai pas vu. Et son téléphone était dans ma sacoche !

A Brousse-le-Château nous refaisons le plein d’eau grâce à une fontaine.

Nénuphar dans la fontaine de Brousse

Nénuphar dans la fontaine de Brousse

La route redescend puis devient toute tranquille, longeant toujours la rivière. On dirait une ancienne voie ferrée car il y a des passages avec toujours les mêmes barrières et aussi des tunnels plus ou moins longs, pas du tout éclairés. A l’entrée de l’un deux, un feu rouge. Puis quand c’est à notre tour de passer il faut appuyer sur un bouton réservé aux cyclistes. Il déclenche une lumière clignotante au-dessus du tunnel et qui prévient que des cyclistes sont engagés dedans. Bien pensé ! Et heureusement j’ai une lampe de vélo car il fait si noir que je ne vois même pas ma main ! Antoine va dans le mur. Il ne roule pas vite, heureusement. Deux positions pour ma lampe, dont une avec des diodes clignotantes. DISCO ! Il chante une vieille rengaine disco à tue-tête dans le tunnel. On se croirait dans une boîte de nuit. J’éclaire les catadioptres qui parsèment les murs pour nous guider. Les gilets jaunes sont inaccessibles, au fond des sacoches. Nous croisons une voiture qui ralentit immédiatement et met ses phares en code, nous ne sommes plus éblouis, merci ! Puis un camion avec une grosse remorque qui pile, Antoine pile aussi sec, j’ai failli lui rentrer dedans !

A Lincou nous quittons la D200 pour nous engager sur la D172. C’est toujours l’ancienne voie ferrée. Fringale vers quatre ou cinq heures. A Trebas (prononcer « Trebass »), la pâtisserie est une caverne d’Ali Baba. Que choisir ? Un gâteau aux noisettes, sorte de meringue plate, sèche, grillée, craquante et sucrée à souhait ou une sorte de quatre-quarts au citron couvert d’amandes grillées et de sucre caramélisé ? Finalement nous achetons les deux en plus du pain. Nous mangeons les meringues sans attendre et rangeons dans le sac étanche contenant la tente et le matelas l’autre gâteau et le pain.

Poun. Nous roulons sur un pont. En contrebas des enfants se baignent. Tout de suite après, un camping à la ferme. Stop ! Ce soir, le camping sera câaaaaalme ! 105 kilomètres au compteur, nous sommes dans les temps. « Le Tar » est calme, pas une ride, sauf les canards qui nagent à la surface et un poisson de temps à autre qui saute hors de l’eau pour gober une mouche. Ici, six emplacements pas un de plus. 14€80 la nuit. Il est tenu par un couple de retraités. Ils n’ont pas de produits de la ferme à vendre. Monsieur est daltonien et madame n’a plus d’odorat depuis la chute d’une échelle. Lui, nous dit que ses tomates ne sont pas mûres et elle, qu’elle n’est pas allée au jardin depuis deux jours. Mais pour le même prix ils veulent bien me donner un concombre et proposent que j’aille faire un tour au jardin. Ils me recommandent de ne cueillir que les grosses. Deux me suffiront. Ah ! L’odeur des feuilles de tomates… comme c’est agréable.

Jardin potager. Que sacrifier ? Le grillage ou le cucurbitacée ?

Jardin potager. Que sacrifier ? Le grillage ou le cucurbitacée ?

La plage aperçue du haut du pont n’est pas sur le territoire du camping. Nous restons dans le camping et allons malgré tout nous tremper dans le Tarn… depuis le temps que nous le suivons c’est la première fois. Nous avons pied loin et nous avançons doucement sur les galets de crainte d’un trou brusque. Elle n’est pas très froide, cependant je n’ai pas le courage de m’immerger totalement. Après je vais prendre une bonne douche et faire notre petite vaisselle.

A côté des sanitaires, un terrain de pétanque et un banc. Nous nous y asseyons pour manger.

La nuit tombe, le pic-vert picasse et les canards trompettent… Nous nous endormons.

Camping à la ferme de Poun

Camping à la ferme de Poun

Mercredi 29 juillet

Le lendemain matin, avec l’autorisation des propriétaires Antoine va cueillir deux autres belles tomates. Une fois tout le barda rangé, nous montons sur les vélos, et c’est reparti ! Nous suivons toujours cette ancienne voie ferrée, sympa. Gaycre puis Courris.

A vélo de Lyon à Toulouse

Malgré les recommandations des fermiers nous oublions de faire une halte à Ambialet. Nous ne verrons pas « Le Tar » faire une boucle sur lui-même. Une rive plus haute que l’autre générant du courant et un énième barrage. Tant pis !

Saint-Juéry annonce Albi. Nous nous arrêtons devant un hypermarché et nous faisons nos achats. Premier vrai grand magasin depuis notre départ. Quel l’embarras du choix devant ces rayons immenses contenant toutes les déclinaisons d’un même produit. Vive la société de consommation… Impressionnant après des jours de petites épiceries et de nature verte et brune.

Nous sillonnons les rues d’Albi mais pas plus d’une demi-heure, à cause du nombre de kilomètres que nous devons parcourir aujourd’hui !

Albi est la patrie de Toulouse Lautrec. Un musée lui est consacré.

Citation de Toulouse Lautrec

Citation de Toulouse Lautrec

Citation de Toulouse Lautrec

Citation de Toulouse Lautrec

Citation de Toulouse Lautrec

Citation de Toulouse Lautrec

Citation de Toulouse Lautrec

Citation de Toulouse Lautrec

Citation de Toulouse Lautrec

Citation de Toulouse Lautrec

Nous ne laissons pas les vélos, la ville est grande. Antoine a tellement aimé cet endroit, il est formel, c’est ici qu’il habitera plus tard ! Une personne nous demande si nous faisons partis du groupe des 15 000 cyclotouristes de la Fédération Française de Cyclotouristes attendus la semaine prochaine dans le cadre de la semaine fédérale. Non, non, je ne m’en souvenais plus, mais maintenant que vous le dites, oui, je l’ai lu dans la revue de la FFCT…

Albi

Albi

Albi

Albi

Albi

Albi

Albi

Albi

A Marssac-sur-Tarn nous nous installons dans le square attenant à l’église pour manger. Il y a même des sanitaires.

A Rivières, malgré les protestations d’Antoine je bifurque à gauche afin d’éviter cette route départementale 988 où les voitures roulent comme des dingues, nous frôlant parfois. De plus, sur cette route, à droite des lignes pointillées, il n’y a pas un brin de bitume pour nos vélos. Donc nous roulons directement sur la route. Puis nous retrouvons la D200 Brens.

Malheureusement, à Gaillac nous sommes obligés de reprendre la grande route. Et c’est l’accident ! Une voiture me serre d’un peu trop près, je descends sur le gravier le long de la route et au moment de remonter sur le bitume, je me sens déséquilibrée. Le goudron fait un bourrelet, je crie et c’est la chute ! Une douleur fulgurante à la cuisse gauche et au genou droit. Je vois non pas 36 chandelles mais j’ai plein de gouttelettes brillantes devant les yeux. J’entends Antoine qui crie, me demande de me mettre sur le bas-côté, Mais je suis à moitié sonnée, ne peux pas bouger, encore moins me mettre debout, j’ai trop mal ! Alors j’avance en me traînant sur les fesses jusqu’au bord de la route. Je sens des voitures qui passent tout près. Mais Antoine me dira, après, que, par chance, aucune voiture ne passait… Quand il m’a entendu crier il a jeté son vélo et piqué un sprint ! Il a vite rangé mon vélo sur le côté. Puis une fois que j’étais, moi aussi sur le côté il m’a demandé où était la trousse de secours. Je suis impressionnée par sa réactivité ! Huiles essentielles pour les bobos et les bleus, paracétamol 1000 pour la douleur et arnica en granules ! Il trouve tout ! Il est formidable !

Il m’aide à me mettre debout et me propose de marcher un peu. Je fais la fière, mais je ne sais même pas si je pourrais marcher et encore moins si je pourrais pédaler. Je lui dis que tout va bien et que je peux repartir directement à vélo. En réalité je souffre terriblement et à chaque mouvement de la jambe gauche du haut vers le bas j’ai l’impression que mon muscle se déchire…

Dès que nous pouvons, à Lisle-sur-Tarn nous quittons cette satanée route pour en prendre une secondaire, calme et tranquille. Mon vélo aussi a souffert ! En montant dessus, encore sous le choc, je me suis contenté de remettre la chaîne car j’avais déraillé mais je n’ai même pas pensé à le vérifier. La manette du dérailleur est bloquée au milieu du guidon, impossible de passer sur le plateau du milieu. J’essaie de forcer dessus pour la remettre à sa place. Pas trop, j’ai peur de la casser. Heureusement, le dérailleur est coincé sur le tout petit plateau, s’il avait été bloqué sur le grand, je ne sais pas comment j’aurais fait ! Ça ira comme ça jusqu’à Toulouse ! Et puis le porte-sacoche rescapé, branle un peu dans le manche, ça non plus, ce n’est pas grave.

Sur la petite route je demande à un couple où se trouve Saint-Martin-de-Taur. Nous y sommes ! Je dis à la dame que la grande route est dangereuse et lui explique mon accident. Elle regarde mes jambes. Elle est infirmière et me dit que cela n’a pas l’air bien grave mais à surveiller quand même. Ils nous indiquent la route, qui n’est pas plate, ça descend… puis ça remonte. Aïe ! Ça fait mal ! Mais le paysage est beau… Un petit pont, un ruisseau, la forêt, il fait frais.

Loupiac, Coufouleux direction Rabastens mais nous n’y allons pas même si le village, de loin, semble beau. Le téléphone sonne, c’est Manu. Il nous demande où nous en sommes. Encore un peu loin, mais nous nous rapprochons. A Saint-Sulpice nous quittons le Tarn que nous avons suivi sur presque 200 km.

Mais nous sommes obligés de reprendre une départementale très roulante, la D988. Tout à coup Antoine a une lumière ! Et si nous téléphonions à Manu pour qu’il nous débarrasse des sacoches afin que nous arrivions tous légers à Toulouse ?! Aussitôt dit, aussitôt fait ! Il est d’accord, il arrive. Mais nous dépassons Montastruc-la-Conseillère (quel drôle de nom, j’aime bien ! D’où vient ce nom, d’ailleurs ? Je me souviens qu’une artiste y habite mais nous n’avons pas le temps d’y aller !),

puis Garidech et Manu n’arrive toujours pas. Ce n’est qu’à Saint-Jean-l’Union qu’il nous appelle, ils sont là, tout près ! Antoine « court » devant et moi, péniblement loin derrière. Ils sont « sous » le supermarché. C’est vrai qu’il est un peu en hauteur, dessous c’est le parking. Je fais le tour, je ne vois personne. Le téléphone sonne à nouveau. Antoine est déjà avec eux. Ils sont sur la route. Antoine accourt, à pied, à ma rencontre. S’ils ont été si longs c’est que Manu est allé chercher Elsa qui elle-même est allée chercher Zoé chez la nounou. Je suis contente de tous les retrouver. Contente aussi de m’alléger ! Antoine part devant, rapide comme l’éclair. Je roule, je roule, je roule, je roule, puis au bout d’un moment, je m’arrête. Où est Antoine !? Lui qui m’attend régulièrement, là, il s’est volatilisé ! Je reste un moment à ce carrefour, à l’entrée d’une piste cyclable. J’appelle, évidement il ne répond pas. Je repars. Très grand rond-point. Est-il allé tout droit, en direction du canal ou à gauche, comme me le conseille un cyclo ? Je rappelle sur le portable et c’est… Elsa qui répond ! Soi-disant Antoine n’avait pas de place pour le ranger. Et là où il met son appareil photo ? Bref, il ne l’a pas, est injoignable. Je ne sais pas où il est. Manu part à ma rencontre avec le camion. Nous mettons le vélo dedans et partons par où Manu a vu Antoine pour la dernière fois, c’est-à-dire qu’il a continué tout droit en direction du canal.

Pour ma fierté personnelle j’aurai aimé arriver jusque chez Elsa et Manu à vélo… mais l’honneur est sauf, puisque j’ai fait 110km et que je suis allée jusqu’à Toulouse par mes propres moyens. Alors je guette du haut de mon siège si je ne vois pas Antoine sur la piste le long du canal. Pas facile, la visibilité n’est pas toujours très bonne à cause des ponts, arbres et arbustes. Le téléphone sonne, fini de s’inquiéter… Antoine est arrivé à Ramonville-Saint-Agne, chez sa sœur ! Entre temps une autre mission nous incombe : récupérer le badge du camping où Roland va rentrer la caravane ce soir.

Il arrivera très tard, retenu par un embouteillage causé par un camion de transport de grumes, éparpillés sur l’autoroute. Nous mangeons et nous dormons chez Elsa et Manu. Contente d’être arrivée mais énervée qu’Antoine ne m’ai pas attendue. Lui a fait 123 kilomètres aujourd’hui et à cause de lui je ne suis pas allée au bout. Tant pis, c’est déjà bien d’être arrivée à Toulouse et d’avoir parcouru 526 kilomètres en 6 jours.

A vélo de Lyon à Toulouse

Nous avons traversé de nombreux départements : Rhône, Loire, Haute-Loire, Lozère, Aveyron, Tarn, Haute-Garonne.

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Rédigé par Martine Silberstein

Publié dans #Journal de voyage à vélo

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Publié le 18 Août 2015

Ce secret ne m'est point étranger

il m'allait qu'à hauteur d'araignée

mais tu as dit là qu'ils voudraient jusqu'à

éclatement des fantômes

et hauteur d'araignée montant aussi au couvant

et la saison des marchands

Tu as dit partout présente, tu te fonds

en moi étouffant un parchemin infante

la salive de la nuit à ton goût caché et fait

dans l'imprimerie

je veux me libérer à reculer

Il me faut encore arriver, mais dans l'avenue des lèvres

il ne fait ni jour ni nuit

une lettre dans la cage

se met sur la toile

je lirai le jour

sur les mers libérées.

D.M

Centon

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Rédigé par Martine Silberstein

Publié dans #Ateliers d'écriture adultes

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Publié le 17 Août 2015

Et le corps tendu j'ai perdu la paysanne

elle revient titubant des berges noires.

au terme de son insomnie.

avant l'aube de ma cellule.

libérée de sa dernière aube d'une rumeur de rouge tendre.

ce perfide à l'intelligence simple baignait dans la paix.

avril les récoltes, le lait frais une étoile.

comme au commencement

peu à peu son corps dilaté

lapidé de son sang

elle gronde

quand il fait des rivières la mère la récolte.

je porte le témoignage d'une mort inutile.

SZ

Centon (2)

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Rédigé par Martine Silberstein

Publié dans #Ateliers d'écriture adultes

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Publié le 16 Août 2015

Un bœuf gris de la Chine,

couché dans les roses,

Allonge sa cuisse sur le menton de la fillette

Et dans le même instant

Un autre bœuf, sur une autre planète

Se goure de pied pour mettre sa chaussure

Quelqu'un a bougé

Les pétales volent

A travers le jour et la nuit

L'oiseau des za fait sans bruit

Le tour avec bonheur de sa planète

Et jamais ne perd la vie

Et jamais ne s'arrête.

F.H

Rose

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Rédigé par Martine Silberstein

Publié dans #Ateliers d'écriture adultes

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Publié le 15 Août 2015

J'ai constaté qu'au fond les soupirs de nuit vivent dans la douceur de l'harmonie.

Cette ondulation agréable qui est sur le chemin vient de mon âme.

Il y a de la beauté à la matière de souhaits car en observant les hommes, nulle mélodie entendue sont les plus en astre d'abeille.

Je voudrais que le lave s'abandonne de désir et ne jamais mourir misérable.

Aussi j'ai trouvé la pénombre que les désirs rongent d'une faim d'interdit bien plus que l'amas rugissant de l'acier.

La lave s'abandonne de plaisir

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Rédigé par Martine Silberstein

Publié dans #Ateliers d'écriture adultes

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Publié le 14 Août 2015

Elle étranglait les poignées du guidon de son vélo,

peignant ainsi l'écoulement de la lumière violacée.

Ses mots, en écrit-rature, usés, mouillés, tourbillonnent dans la poussière.

Accélérant leur course folle,

ils partent à la découverte du plaisir.

Dans son âme, la noirceur,

trésor inattendu,

telle une horloge aux mille aiguilles,

message fugace des rêves, tisse sa toile.

Son cœur, retenu prisonnier au milieu du chemin,

pauvre insecte figé,

s'est arrêté.

Le temps

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Rédigé par Martine Silberstein

Publié dans #Textes personnels

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Publié le 9 Août 2015

Rose des sable à Chenini

Rose des sable à Chenini

REVOLUTION !

Finalement, le 20 mars, je pars. Ben Ali et sa femme ont fui le pays, un gouvernement de transition a été nommé. Cependant leurs membres sont limogés les uns après les autres, sauf un noyau de quelques-uns. Le retour au calme, peu à peu se fait. Les frontières sont à nouveau ouvertes au tourisme.

Gargoulettes pour pêcher des poulpes

Gargoulettes pour pêcher des poulpes

Mais les pays alentour s’inspirent de l’exemplaire Tunisie et, à leur tour, se révoltent. La Libye, en particulier, dont la frontière est commune avec la Tunisie. Elle n’est distante que de 100 kilomètres de Djerba. Une résolution de l’ONU a décidé de bombarder les forces militaires de Kadhafi et de neutraliser ainsi l’aéroport du pays. Kadhafi bombarde en effet les manifestants ! D’Angleterre, de France, les avions de guerre ont décollé cette nuit. Roland a peur et essaie de me dissuader de partir, mes parents aussi.

Derrière les grilles

Derrière les grilles

Porte bleue
Porte bleue

Dimanche 20 mars

Antoine et Roland me conduisent à l’aéroport, puis j'entre dans la salle d’embarquement.

Notre avion devait décoller à 13H15, heure française d’hiver, de l’aéroport de Saint-Exupéry. Le sort s’acharne sur ce voyage. Nous devions faire escale à Marseille, puis prendre la direction de Djerba. Mais les pneus d’un avion ont éclaté sur le tarmac. Le personnel de l’aéroport doit faire place nette. Notre avion atterri d’abord à Marseille, posant ses passagers en provenance de Djerba, récupère ceux qui, comme nous, vont à Djerba et atterri avec deux heures de retard à l’aéroport de Saint-Exupéry.

En attendant je ne m’impatiente pas, zen, je fais une petite sieste dans un fauteuil réservé aux personnes handicapée, avec accoudoir, et repose-pieds. Un groupe de tunisiens discutent à côté de moi. Je suis déjà dans l’ambiance ! L’un d’eux me prête son journal Libé. Sur une carte, l’aéroport Libyen semble tout proche de Djerba. Je fais ensuite mes devoirs d’espagnol, traduisant dans ma lancée un poème de Garcia Lorca.

C’est l’heure ! L’avion embarque ses passagers. C’est un charter, pas cher, de la compagnie Tunisienne Nouvelair, un airbus A320. Vol sec, c’est le cas de la dire. Si t’as pas de sous, le gosier aussi reste sec… Je prends un thé. Les consignes de sécurité sont écrites en espagnol, anglais et certaines en français. Le pilote, au micro : « Nous allons nous préparer à l’atterrissage ». Il en a d’autres, comme ça, des blagues ? Ce ne serait pas plutôt au décollage qu’il aurait intérêt à se préparer ? Rien n’est gratuit, dans l’avion mais pas plus cher que dans un bar : 2€ le thé.

Puits

Puits

Nous arrivons vers 18h30 à l’aéroport. Passage à la douane. Tiens ! Ici, on a le droit de fumer à l’intérieur d’un bâtiment public ! Cela fait longtemps que je n’avais pas vu cela. Les bagages sont déjà arrivés. La représentante de l’agence est là. Jeune femme souriante. Elle nous met en garde contre les prestations payantes prises en dehors de celles du tour-operator et pour lesquels nous ne sommes pas couverts. Normal, elle fait son job. Moi, je verrais Régine quand je veux ! Je suis assurée à l’étranger puisque j’ai payé le voyage avec ma carte bleue.

Arrivée à l’hôtel, remise des clefs, cocktail sans alcool pour nous faire patienter. Dans l’hôtel, deux couples de la même agence que moi. Un employé m’accompagne à ma chambre. Le portable sonne, c’est Roland. J’ai essayé de le joindre quand j’étais à l’aéroport mais je n’avais pas composé le bon indicatif. Je pars manger. Après le repas, je sors. Je vois la piscine et le spa un peu plus loin. Dommage, il fait nuit, dehors !

Un groupe de coureurs et coureuses à pied est là, avec leurs dossards. Leur but, courir dans les dunes. Motivés !

Vu du toit

Vu du toit

Lundi 21 mars

Réveillée 5h48 ! Le jour est déjà levé. Cette nuit, je me suis réveillée plusieurs fois. Nez bouché, gorge irritée. C’est vrai que je suis un peu malade, je suis même infectée.

Ma chambre est sympa. Deux lits jumeaux. Un petit canapé. Une grande table le long du mur avec une télé dessus. Un petit balcon avec deux fauteuils de jardin, une table basse, un étendage. La salle de bain est occidentale et arabe. Un tuyau à côté du WC permet de se laver. J’aime bien, je trouve cela très hygiénique. Le plafond de la salle de bain est craquelé, le gobelet à dents douteux. A part cela, tout est propre et correct.

Où est la mer ?

Où est la mer ?

Je me douche puis, en sortant du couloir je prends un escalier à gauche. Un hall, une porte ouverte sur le « campus » de l’hôtel. La photo de la pub n’est pas mensongère : le spa est tel que sur le magazine. Une pancarte : « Dune interdite ». Ah oui ? Personne ? J’y vais ! D’en haut, on ne voit pas la mer. Déception. Je redescends de l’autre côté, c’est le coin des jardiniers. Casemate en bois, pots alignés où poussent des cactées et diverses autres plantes. Bon, rien d’autre à voir. Plus loin, un mini golf. Devant l’hôtel, un toit de tôle, une pancarte « Vélos à louer ». Allons voir. Ouh ! Ah, misère, je ne monterais pas dessus ! Ils en ont d’autres ? Rouillés, pneu à côté de la jante…

L'écume des jours

L'écume des jours

Deux messieurs sortent d’un taxi, jaune, comme ceux de New York. Il s’en va. Je me dirige vers l’hôtel. « Vous êtes cliente ici ? » m’interpelle un homme. « Oui ! ». Je passe par l’accueil. Dans le hall je demande au réceptionniste comment se rendre à la plage. Le portail du fond, après la piscine, n’ouvre qu’à 9 heures. Mais il est possible de faire le grand tour par la rue. A droite, encore à droite, tout droit. Merci. Ignorant les consignes de sécurité de Roland (« Ne te promène jamais seule »), je pars à la recherche de la plage, un appareil photo dans le sac. Dans la rue, personne ne se retourne sur moi. L’eau n’est pas si froide. Le ciel, bleu. L’air, frais. La mer moutonne à peine. Le vent léger, sans doute. Les drapeaux claquent. Pas si léger, le vent d’ouest ! Je dépasse la plage de l’hôtel. En fait, notre hôtel ne donne pas directement sur la plage. Un autre hôtel nous en sépare.

Ratissage

Ratissage

Un tracteur tire un grand râteau.

Emmêlé

Emmêlé

Des pêcheurs démêlent leur filet. Ils ne sont pas partis pêcher, la mer est trop mauvaise. Puis un 4x4 surgit derrière moi. Celui-là, avec le bruit du ressac, je ne l’avais pas entendu arriver ! Roland m’avait bien dit « En Tunisie, tu ne seras jamais seule ». C’est vrai. Par ci, par là, un homme. Surveille t-il la plage ? Un autre, claudiquant, cours. J’écris à l’abri d’un grand foulard pour me protéger du vent. Un homme, un européen surgis, étonné qu’une européenne (a-t-il remarqué que je l’étais, attifée ainsi ?) soit là, assise, si matinale.

Mimosa

Mimosa

Je repars en direction de l’hôtel. Tiens, un beau mimosa ! Un homme en salue un autre : Sbalajil ! Bonjour ! Tiens, on ne dit pas salam alékoum, ici ?

Il est maintenant 8h30. Je prends mon petit déjeuner. Buffet composé de salé et de sucré. Thé. Confitures diverses. Peu de monde dans la salle à manger.

Une réunion a lieu à 9h. La représentante de l’agence Soleil + vient nous présenter ses prérogatives. Nous sommes 5. Un couple vient de Dardilly. Elle est mère au foyer, deux filles de 3 et 7 ans. Il est cheminot. Elle est enceinte de 3 mois. Ils font la thalasso tous les deux, très fusionnels. Ils sont marrants : dans leur chambre ils ont des lits jumeaux et veulent en changer car pour s’endormir, le soir, ils ont besoin que leurs pieds se touchent. Ainsi séparés, ils ont l’impression d’être fâchés. Ils nous disent aussi qu’ils sont séparés, quand il part travailler, par 30 heures d’absence, très difficile à vivre pour elle. L’autre couple ne vit pas ensemble, « mon compagnon ». Eux ont un lit deux places, et malgré leur absence de vie commune ils n’auraient pas été dérangés par des lits jumeaux. J’apprendrais ensuite qu’ils se voient environ tous les quinze jours. Lui, habite Grenoble, elle, Avignon. Il est technicien dans une fac, préparant des expériences d’hydraulique ; elle est administrative avec de grosses responsabilités aux conseils de prud’hommes. Très stressée, elle a besoin de beaucoup de repos. Lui ne fait pas la thalasso, ce n’est pas pour lui, pas dans sa mentalité. La représentante de l’agence nous dit être disponible 24 sur 24 ! Non mais ça va pas ? Et la vie privée ? Elle nous expose les différentes excursions possibles et nous répète : « Les prestations payantes prises en dehors de celles du tour-operator ne sont pas couvertes ». Bon, déjà hier on avait compris, ma belle !

Régine

Régine

Pour connaître mon programme thalasso et excursions j’attends d’avoir Régine au téléphone. J’espère bien faire des choses intéressantes avec elle. La jeune femme reviendra à 14h pour le jeune couple et moi-même. Le temps de réfléchir. Régine a laissé un message à l’accueil. Je la rappelle. Elle me conseille d’aller à Midoun demain mardi car une fantasia s’y déroule, tellement bien faite, qu’on s’y croirait !

Je sors à l’épicerie en face m’acheter une bouteille d’eau. Je suis en demi-pension et même pour les repas du soir, si je veux boire, je suis obligée de payer mes consommations. Une carte m’a été remise, que je devrais approvisionner afin de pouvoir payer mes boissons au cours des repas, sur la terrasse de l’hôtel l’après-midi, au bar de l’accueil dans la journée ou encore à la boîte de nuit. 1,5 litre d’eau au supermarket = 25 cts d’euros. Je n’ai pas encore de dinars tunisiens (DT). Je retire 100DT, soit environ 50€ au distributeur de l’hôtel. Avec mon portable, j’ai finalement réussi à joindre Régine avec le bon indicatif, c’est tellement plus facile ! J’ai enregistré son n° ainsi que celui de Roland.

Réparation

Réparation

Je sors dans la rue à gauche de l’hôtel, à la recherche d’un restaurant. Je pense revenir à l’hôtel par la plage. Salade méchouia et couscous. Sur le menu, il est écrit : 4,500 DT. « C’est quoi, le prix, en fait ? » Le serveur, mi-figue mi-raisin : « 45 DT ». C’est cher, 45 DT ! « Mais non, c’est 4,5 DT ! ». Toujours le même serveur : « Aujourd’hui, il n’y a pas de couscous Djerbien (aux poissons) car toutes les barques ont été vendues aux tunisiens qui veulent se sauver à Lampedusa ! ». Celle-là, tu me la fais pas ! J’ai vu des pêcheurs, ce matin. Sornettes ! Il rit.

Buée

Buée

Programme d’aujourd’hui : 14h rendez-vous avec la femme de l’agence de Soleil +. A 15h, thalasso. Ce soir Régine me téléphonera. Je ne veux rien lui imposer mais j’aimerais me balader à Houmt Souk avec elle. Donc, je ne ferais pas l’excursion du tour de l’île demain, je préfère la fantasia. Jeudi, en revanche, je ferais l’excursion à Tataouine. Je rêve de voir des maisons troglodytes. C’est un 4x4 qui nous y conduira. Je paie en DT, cela revient moins cher qu’en euros. 70DT ou 42€.

Programme demain : thalasso à 9H et fantasia après.

Ah ! la thalasso ! le vrai pied ! telle que je l’imaginais… D’abord, hammam. La salle la plus chaude commence juste à chauffer, résultat, pas trop chaud. Beaucoup de vapeur à l’eucalyptus, très bon pour mon rhume. Un couple de Roanne. Puis une employée me fait un gommage, pellicules noires se déroulant sur mon corps, pas si propre qu’il en a l’air. Puis rinçage à la douche. Ensuite, enveloppement d’algues blanches, sorte de liquide blanc crémeux et épais, un peu comme le début d’une béchamel quand la farine est mélangée au lait mais n’a pas encore épaissit. Elle me momifie ensuite de grandes toiles blanches en tissus non tissé, m’installe sur la banquette en marbre du hammam. Est-ce la chaleur du bain turc ou bien l’effet des algues ? Ça chauffe ! Là, assise dans les vapeurs, je somnole, la tête tombant sur le menton. Je m’endors. Pas de touriste. Les masseuses sont sorties du hammam, silence seulement occupé par le sifflement de la vapeur, brouillant les sens. Je me suis réveillée, puis couchée pour ensuite me rendormir. La masseuse vient me chercher, me demande de passer à la douche. Elle m’offre un thé à la menthe, en sachet, malheureusement ! Et ce sera la seule fois, d’ailleurs.

Dans le SPA

Dans le SPA

Les employées parlent entre elles. Puis elles chantent un petit refrain aux onomatopées sympas, en riant. C’est une chanson que l’on entend dans les discothèques. Mais, si elle est drôle, c’est pour se moquer de Kadhafi. Une histoire de chat qui cherche les souris dans tous les quartiers, pâtés et maisons. Ce que font les troupes de Kadhafi pour réprimer la révolution. Un monsieur, bermuda à fleur, que j’avais pris pour un touriste dans la vapeur cotonneuse de ma myopie m’installe dans une baignoire où des buses affleurent partout et d’où sort de l’eau de mer bouillonnante, chaude et très salée. Semi-obscurité. La baignoire s’éclaire par intermittence de bleu, vert ou rose. Une barre pour caler les pieds dessous, sans quoi ils flotteraient et ne recevraient pas les bienfaits des massages. Mmhh ! Un vrai régal ! Les jets alternent. D’abord les jambes, la plante des pieds ; puis les fesses ; et enfin le dos et les épaules. Complètement relâchée, ne laissant dépasser que la bouche et les yeux fermés, à demi flottant dans l’eau utérine poussée au gré des jets, je me laissais totalement aller. Le gars qui m’avait installée passant voir sir si tout se déroulait correctement pour moi a eu très peur ! Un malaise ! Vous avez un malaise !? me saisit par la nuque, me redresse ! J’ai eu une de ses peurs ! Que se passe t-il, monsieur ? On en a rit, mais il eu VRAIMENT très peur pour moi !

Sur mon chemin (à vélo)

Sur mon chemin (à vélo)

Là, un message de Régine : elle est passée à 16h30 à l’hôtel. Ils faisaient des courses à Midoun. Je l’appelle : elle repassera à 20h30. Le temps d’écrire à Marjolaine, de me changer. Je descends manger. Régine est à l’heure. Je fais connaissance de Tahar. Ils sont en voiture, nous allons boire un coup à l’extérieur.

Tahar connaît le patron du café où nous sommes. C’est avec lui qu’il est attablé. Nous, nous sommes un peu plus loin. Les seuls clients. Un homme joue du oud, une sorte de luth. Le patron loue des vélos. Quelle chance ! Ceux qui sont dehors sont des engins pour touristes, où l’on peut pédaler à quatre, protégés par une toile. Mais il en a d’autres, plus conventionnels. Demain je peux me présenter vers midi, il en aura préparé un. Je pourrais aller à la fantasia, à Midoun, distant de seulement 5 kilomètres.

Partie de foot par plus de 30°C à l'ombre

Partie de foot par plus de 30°C à l'ombre

Je me demande pourquoi il y a tant de personnes noires ? Ils ne ressemblent pas à des tunisiens mais à des habitants d’Afrique noire. J’ai posé la question à des tunisiens (au restaurant, à Ali). Pour eux, ce sont des tunisiens comme les autres, mais noirs. Tahar est noir aussi. Il en ignore lui aussi la raison. Disant "Je suis tunisien, mes parents aussi depuis toujours et depuis plusieurs générations. C’est comme ça, il y a des noirs !". Régine me donne la clé. Les arabes étaient esclavagistes. Les esclaves sont restés. Des soudanais.

Mardi 22 mars

Réveillée à 6h30, je tousse et crache encore jaune. Cette nuit, j’ai mieux dormi. 8h, petit déjeuner. 8h45, je suis allée au centre de thalasso.

A peine le temps de nager dans l’eau de mer bien chaude qu’Ali m’appelle pour un enveloppement de boue marine avec, ensuite, repos dans une couverture chauffante. La boue a du mal à partir, elle colle à la peau. La douche dure un petit moment. Puis la baignoire. Puis pressothérapie. J’ai froid. Deux grandes bottes qui montent jusqu’en haut des cuisses, comme des bottes de pêcheur. Elles se gonflent et dégonflent à différentes hauteurs, selon les moments. Surprenant. Pendant ce temps, je lis le magazine ELLE. Puis c’est le massage. Ce n’est pas Ali mais une jeune femme au visage acnéique qui me masse. Elle est fiancée à un avocat syrien, de Tripoli. Il a été blessé aux jambes. Il ne veut pas quitter son pays, sa famille. J’aime mieux les massages d’Ali. Je retourne au hammam. Il est 11h.

Surprise !

Surprise !

Un jeune tunisien, le bras autour de la taille d’une femme européenne de mon âge. Ah ! L’argent !... Je me trompe ?

J’arrive dans ma chambre. Oh ! Un bouquet de fleurs ! Quelle délicate attention ! Merci monsieur du ménage ! Il est vrai que je croise plusieurs fois par jour cet homme, grand, habillé de marron (chaque employé a sa couleur de vêtement selon son travail et son grade. Son chef, lui, est en blouse blanche). Quand il me dit « Bonjour ! », en français, je lui réponds toujours « Sbalajir ! », comme à tous les employés de l’hôtel. Cela les surprend. Il ne doit pas y avoir beaucoup d’étrangers qui le leur répondent dans leur langue. Et eux, de me demander, en arabe, « La Bès ?», « Ahmdoulah ! ». Si bien que cela attire, de leur part, un sourire, une complicité. Je le fait naturellement, sans plus, mais cela me semble plus sympa, plus drôle aussi parfois, de voir leur réaction. Même dans la rue, aux commerçants. Lui, ressemble à un mousquetaire avec ses poils au menton, élégant.

Merci !

Merci !

Une bonne douche puis un bon bain dans la baignoire. Ben non, autre idée : je prends juste une douche, lave en même temps mon tee-shirt à manche longue. Pratique, l’étendage sur le balcon ! Je vais nager dans la piscine d’eau de mer chaude ! Aïe ! Une crampe à la jambe droite, énorme, en nageant ! Elle a passée comme elle est venue. Je fais connaissance avec une roumaine (je la croyais espagnole, avec son accent). Son mari, dépressif, il a quatre-vingt-trois ans. Elle ? Plus jeune. Dans les 70 ? Avec lui, la vie n’est vraiment pas facile. Elle était médecin, cardiologue en Roumanie où elle est restée jusqu’à 60 ans. Elle cumulait les heures de nuit puis avait ouvert un cabinet. Elle cumulait les deux emplois. Elle vivait à 300 à l’heure. Puis, venue rendre visite à sa fille en France. Elle a fait connaissance avec le voisin de cette dernière, ce vieux monsieur.

Dans le restaurant

Dans le restaurant

Le soir. Restaurant. Toujours bien garni, le buffet. Une femme manifeste bruyamment sa toux asthmatique, ponctuant de « ça y est, je vais crever à force de tousser comme ça ! », au cas où on ne l’aurait pas entendue tousser. Un homme, vieux, chauve, mince, élégante chemise blanche sur pantalon beige, chaussures claires, seul. Il devait être beau, jeune. Un couple donne la main à une femme, du même âge qu’eux, qui traîne des pieds pour marcher, toute raide. Son pantalon, mince, laisse deviner qu’elle porte des protections, épaisses. Ne semble pas avoir tout son intellect. J’apprendrai, plus tard, que l’homme est son mari, et la femme, son auxiliaire de vie.

Mercredi 23 Mars

Je ferai un peu de hammam et cinq minutes d’algues vertes qui puent puis un bon massage. Je suis toujours surprise par les massages des bras. Il finit par un massage des mains. Ali entrelace alors ses doigts avec les miens. Il est célibataire car il aime trop sa « maman ». Il ne dit pas « ma mère ». Elle habite à Gafsa. Il voudrait se marier avec une gazelle étrangère. Mais à condition qu’il soit un peu moins attaché à sa maman !!

En revenant à l’hôtel et en discutant avec les personnes de Soleil +, j’apprendrais que des manifestants ont envahit le hall de l’hôtel toute la journée afin de protester contre le fait que leur contrat de travail n’ait pas été renouvelé.

Ce soir, karaoké ! Du bien et du complètement faux ! Je vais à l’accueil et demande au monsieur de me réveiller demain matin car je pars en excursion. C’est le même gars qui travaille au resto, tôt le matin et qui est là, tard le soir ! De même, les personnes chargées de l’animation servent aussi au resto. Et après, les contrats des employés ne sont pas renouvelés, faute de touristes ! S’ils ne les surexploitaient pas en leur faisant faire un nombre incroyable d’heures…

ONG Tunisienne

ONG Tunisienne

Jeudi 24 mars

Ce matin, au réveil, j’ai entendu un grand bruit ! Comme un meuble qui tombe. Cela devait se passer dans une chambre… j’espère qu’il ne s’agit pas d’une personne seule. Et si elle s’est blessée qu’elle pourra être secourue…

Nous voici partis pour Tataouine dans une, 4x4 avec Georges, celui qui habite Grenoble. Un jeune couple d’un autre hôtel est avec nous. Notre chauffeur s’appelle Lotfi. Nous partons chercher une autre touriste à Zarzis, après la chaussée romaine. Le long de la chaussée coure un gros tuyau. Il alimente les habitants de l’île en eau. Un plus petit amène le gaz. Des pylônes électriques les alimentent en électricité.

L’écume des jours, jetée par-dessus la chaussée romaine par le vent, vif.

Nous sommes à 230 kilomètres de la frontière où tout serait calme, nous dit le chauffeur. Dans l’hôtel de la touriste des ONG (Unicef, Croix rouge allemande et croissant rouge tunisien) partent pour la frontière Libyenne. Le chauffeur a déjà été réquisitionné pour aller y chercher des réfugiés coréens.

Puits ?

Puits ?

Des plates formes bétonnées au milieu des champs d’olivier recueillent l’eau de pluie dans des citernes. Les oliviers sont plantés en laissant un grand espace entre eux car l’eau est rare et ainsi leurs racines peuvent s’étendre loin et profond sans se faire « concurrence ».

Des traces dans le ciel (sel...)
Des traces dans le ciel (sel...)

Des traces dans le ciel (sel...)

Pour tamiser le sel
Pour tamiser le sel

Nous nous arrêtons au lac salé de Biben, dont le nom vient de Beb (porte). Il est immense, jusqu’à l’horizon. Il y a 40 millions d’années la mer allait jusqu’à la montagne.

Au loin, une carcasse de char allemand datant de la dernière guerre mondiale.

Désert

Désert

Après la récolte, les oliviers sont élagués. Les feuilles sont données aux animaux, le bois sert de bois de chauffage. Environ 20% des terres plantées d’oliviers appartiennent à l’Etat.

Puis vient le désert de sable et ses dunes. Des barrières faites de palmes tressées, obstacle dérisoire face à l’avancée du sable. Nous sommes à 25 kilomètres de Tataouine. Il y a des années en arrière, ce désert n’existait que derrière les montagnes, la chaîne Dattar. Mais la désertification avance. Dans ces montagnes habitent les berbères. Elles s’étendent jusqu’à la Libye. Le point culminant est de 750 mètres. Elle est riche en gypse, exploité dans les carrières. On en fait du plâtre. Le phosphate, avec lequel est fabriqué de l’engrais est exploité dans les mines. En Tunisie 60 puits de pétrole sont également exploités. L’essence vient de la Libye. Elle est importée plus ou moins officiellement dans des citernes. Comme elle n’est pas « propre », on peut voir tout au long de la route les revendeurs qui la filtrent à l’aide de grands entonnoirs recouverts d’un chiffon et prolongé par un tuyau, pour faire le plein. L’essence libyenne n’est pas chère. 12 litres coûtent 1 euro. Un certain nombre de maisons sont dotées de panneau solaire. Les habitants qui en équipent leur habitation sont remboursés de 30% de leur investissement. J’ai observé que l’éclairage public d’une ville aussi fonctionne à l’énergie solaire.

Céline à Tataouine
Céline à Tataouine

Céline à Tataouine

Nous arrivons à Tataouine 45 000 habitants. C’est là que se trouve le gouvernorat. Sur le sommet de la montagne se trouve le fameux bagne. Tous les soldats récalcitrants du Bat’d’af y était relégués, pour y travailler dur au soleil, à casser des cailloux.

La voiture s’arrête devant une boulangerie où se fabriquent des cornes de gazelle. Le chauffeur est « de mèche » avec le patron. Sur la vitrine, un macaron : « Vacances Carrefour » ! Tous les tour-operators s’y arrêtent… La recette ? L’ouvrier qui les réalise devant nous nous la donne : amandes et pistaches grillées pour la farce. Farine, eau et sel pour la pâte. Il forme la pâte en croissant puis la farci. Il fait ensuite frire le gâteau pendant 30 minutes, et le trempe après dans du sirop de sucre très épais. Il nous fait goûter. Mmmh ! un délice. J’en commande une boîte, comme les autres. Ils la prépareront pendant que nous visitons la ville. Les gâteaux se gardent un mois. La boulangerie a un gros débit. Ils sont frais.

Slogans de la révolution Tunisienne : Maison du peuple

Slogans de la révolution Tunisienne : Maison du peuple

Devant un bâtiment des barbelés et des slogans : « Maison du peuple ».

Chenini au loin

Chenini au loin

Nous reprenons la voiture et sortons de la ville. Le paysage se fait désert montagneux. Nous allons à Chenini. A flanc de montagne, des blockhaus allemands témoignent de la deuxième guerre mondiale.

Ruines de Chenini

Ruines de Chenini

Nous allons visiter les ghorfas (greniers) d’un fondouk (caravansérail) à el Farch. Ce sont des greniers aujourd’hui à l’abandon. Ils sont entourés d’un mur. On y entreposait des céréales (blé, orge) de l’huile et des dattes. Il y en a plus de 350, collés les uns aux autres, comme les rayons d’une ruche. Ils ont un étage. Pour y monter, un périlleux escalier. Les marches sont espacées de plus d’un mètre et très étroites. Une branche est fixée au dessus de la porte. Au bout, une poulie pour y amener la récolte. Tout cela ne semble pas très solide… Il y a plus de 15 ans, nous dit notre chauffeur, des champs de céréales s’étendaient là où seul le désert triomphe aujourd’hui.

Presque arrivés à Chenini

Presque arrivés à Chenini

Nous arrivons à Chenini, à 700m d’altitude. Un guide local nous y attend. Il nous dit ne pas être salarié et ne vivre que des pourboires des touristes. Il a fait des études d’archéologie. La première mosquée, construite en 1100 avant J.C est dans la plaine, à un ou deux kilomètres. Une autre, datant de 1400 après J.C est dans le village. La troisième, éclatante de blancheur dans le soleil est « récente » et date de 1940. Dans le village il pleut rarement, jamais plus de 200 ml d’eau et le soleil brille 330 jours par an.

Il a plu !

Il a plu !

En février il a beaucoup plu, un jour entier. C’est pourquoi les parcelles étagées sont vertes et que de petites fleurs ont poussé sur les bas côtés de la route. Les champs sont entourés de butées de terre. Quand il pleut, l’eau est ainsi retenue plus longtemps et pénètre la terre en profondeur.

Le  vieux village de CHENINI
Le  vieux village de CHENINI

Le vieux village de CHENINI

Nous discutons, Georges et moi, en arrière du groupe. Prenons des photos. Le groupe avance. Je le rejoins, Georges continue à prendre des photos, nous l’attendons mais il est un peu long. Nous allons bientôt entrer dans une maison. « Tu vas chercher ton gazou ? » me demande le guide. Quiproquo. Ce n’est pas mon gazou.

Le haut du village est à l’abandon. Ce sont des maisons semi troglodytes. Le guide, sous les questions érudites d’une des touristes du groupe nous raconte l’histoire des berbères du village. Ils n’étaient pas musulmans. Et ne parlaient pas arabe. Des conquérants arabes et musulmans les ont envahis. Au début ils ne leur ont imposé ni la langue, ni la religion. Ils les ont envahis pour des raisons économiques, leur faire payer des taxes. C’est pourquoi les berbères qui vivaient en plaine sont partis se réfugier dans les montagnes et ont construits des maisons troglodytes, se fondant dans le paysage. D’en haut, ils les voyaient arriver de loin. C’est après qu’a eu lieu la conquête culturelle. Mais le guide se plante quand il nous dit que le mot « troglodyte » vient du grec « maison primitive ». Dans le dictionnaire ce mot signifie « trou pénétré » ! Nous pénétrons dans l’une des maisons.

Portes
Portes
Portes

Portes

La Tunisie a été colonisée par les turcs. La maison est fermée par une porte dite « à la turque » : trois planches de palmiers verticales fixées par trois branches d’olivier horizontales. Tout comme l’on dit les toilettes « à la turque ». Du reste, le drapeau Tunisien ressemble à celui de son ancien colonisateur.

Les tapis prennent l'air. Petit blondinet.  Ancêtre.
Les tapis prennent l'air. Petit blondinet.  Ancêtre.
Les tapis prennent l'air. Petit blondinet.  Ancêtre.

Les tapis prennent l'air. Petit blondinet. Ancêtre.

Les habitants ont construit des maisons dans le bas du village. Le toit des maisons, en Tunisie, est souvent voûté. Cette technique permet d’obtenir de la fraîcheur. Par contre reste posée la question de la couleur bleue, toujours le même bleu dont sont peintes portes, fenêtres et encadrements de fenêtre. Un fournisseur en a-t-il l’exclusivité ? D’aucuns disent que ce bleu éloignerait les moustiques. Une légende ? Cette peinture contenait (contient) -elle un répulsif ? En Grèce, les maisons aussi sont blanches et bleues. Me revient en mémoire « C’est une maison bleue, adossée à la colline, on y vient à pied, ceux qui vivent là, ont jeté la clef… », cette chanson du Maxime Leforestier de mon adolescence.

C’est en bas que sont l’école primaire et le dispensaire. Une infirmière est présente tous les jours de la semaine. Un médecin y vient tous les mercredis. A Tataouine se trouve l’hôpital. Les tunisiens paient 30% du prix des soins, quand ils sont salariés et cotisent à la sécurité sociale. Sinon, tous les soins sont à leur charge. Les enfants vont à l’école primaire jusqu’à 13 ans. Puis, selon les personnes que j’ai rencontrées l’école est (ou n’est pas) obligatoire après cet âge. Les enfants de Chenini vont au collège en car. Les enfants apprennent le français à l’école dès l’âge de huit ans. Au village, un petit garçon d’à peine 4 ans me demande « stylo, dinar, s’il vous plaît, merci ». C’est un village touristique !

Trace de mer

Trace de mer

Les tunisiens sont majeurs à 18 ans. Seul le président de la République est élu. Maires et gouverneurs sont nommés par le président de la république.

Le guide nous montre une ligne le long de la montagne ; elle est à 450 mètre du niveau de la mer. Retrouvés dans le sol des fossiles d’animaux marins préhistoriques en attestent. Des fossiles d’animaux préhistoriques terrestres ont aussi été découverts, plus haut.

Terrasse en pente pour recueillir la pluie. Réservoir.
Terrasse en pente pour recueillir la pluie. Réservoir.

Terrasse en pente pour recueillir la pluie. Réservoir.

Au loin le guide nous désigne l’oasis. Elle alimente en eau le réservoir situé en haut du village. Le village est équipé de trois points d’eau. De loin, nous voyons un canyon. Un golfe, autrefois.

Nous mangeons une soupe très relevée puis un couscous berbère au restaurant du village. Qu’a-t-il de berbère ? Viande de bœuf, carottes, choux, pomme de terre et bien sûr semoule. Nous reprenons la route. Sur la droite, une pancarte indique « statues des sept gisants ». Dans le Coran ces sept géants sont évoqués. Ce sont sept hommes qui auraient dormi des centaines d’années, se seraient réveillés puis seraient morts. Mais le Coran ne dit pas où ils ont vécu. En Tunisie plusieurs villages revendiquent leurs sept tombeaux alignés.

Cimetière de Chenini

Cimetière de Chenini

Le cimetière est très simple : le corps, enveloppé d’un drap est mis directement dans un trou creusé dans la terre. Une fois la tombe refermée, une simple pierre est posée dessus, à plat.

Tournage du film
Tournage du film

Tournage du film

Huilerie
Huilerie

Huilerie

Dédale

Dédale

Rapace pour touriste

Rapace pour touriste

Un peu plus loin les ghorfas de Hadada. C’est un ancien ksar (pluriel : ksour), village fortifié, transformé en ghorfas, greniers. Ils datent du XVIè siècle. Ils sont en meilleurs état que les précédents. Dans l’un des greniers, plus grand, une meule servait à écraser les olives pour en faire de l’huile. Les ghorfas appartiennent à l’Etat, tout comme les précédentes. Après le porche d’entrée, la voûte est faite de branches entrelacées. C’est dans ce paysage qu’a été tournée La guerre des étoiles. C’est là aussi que l’équipe de tournage était hébergée. Des pièces équipées de WC en portent encore la trace. Mais l’hébergement devait être spartiate ! Les greniers sont en cours de rénovation. Un hôtel y sera aménagé.

Nous reprenons la route. Un camion, très lent roule devant nous. Il dégage une odeur de caoutchouc brûlé. Lotfi, notre chauffeur pense que ce sont les freins qui chauffent. Le camion transporte de la paille. Elle s’envole par poignée. Notre chauffeur : « Le camion va se vider avant d’arriver ! ». Nous le doublons. Devant nous, un camion de brique. Je dis au chauffeur : « Maintenant, il ne manque plus que le camion de bois ! ». … ??? « Ben oui, vous ne connaissez pas l’histoire des trois petits cochons ? ». Et de lui raconter l’histoire des trois petits cochons … Nous croiserons aussi des charrettes, plateformes tirées par des chevaux transportant une ou deux personnes. A la radio un rap très politique, sur le clan Ben Ali/Trabelsi.

Un peu plus et c’est moi que l’on mangeait au court-bouillon ! Arrivée de l’excursion, je passe chercher un maillot de bain à la chambre. J’ai l’intention de nager dans la piscine d’eau de mer chaude. Comme hier je n’ai eu droit qu’à une partie des soins, 5 minutes d’algues vertes, la jeune femme de l’accueil me propose de refaire un soin aux algues et l’hydro-massage. La personne, au hammam m’explique qu’il y a du y avoir une erreur dans le déroulement de mes soins. J’aurai du avoir le premier et le deuxième jour l’algue blanche ; le troisième l’algue verte et le dernier jour le rassoul (argile). Alors qu’en fait, le deuxième jour j’ai eu la boue marine. Je lui explique que j’ai eu la boue marine car j’avais expliqué mes douleurs à la nuque et aux épaules (suite à mon accident de vélo). Bref ! Alors aujourd’hui, va pour l’algue blanche ! Elle me conduit ensuite vers la baignoire. Je demande à avoir un poil plus chaud. J’entre, Mmh ! à point ! L’eau me masse. Je trouve que le bain dure bien longtemps… et que l’eau monte en température… Je me lève, regarde l’écran. Noir. Ecran tactile ? Non. Je me recouche dans l’eau. Non, elle est vraiment chaude ! Y’a un truc ! Je sors, enfile mon peignoir et vais à l’accueil. L’employée regarde l’écran : 43,5C° ! Aïe ! La machine est déréglée ! Vous ne m’avez pas crue, vous m’aurez cuite. Je raconte, brièvement, à l’employée l’histoire de Jeanne d’arc, les voix, les anglais, le bûcher. Puis celle de la grenouille et son parallèle avec la politique. Fine, elle a vite compris et rit ! La maintenance devra y jeter un sacré coup d’œil !

C’est en rentrant ce soir que j’ai eu l’explication du ramdam de ce matin, entre six et sept heures. C’est la femme qui parle très fort, asthmatique, qui tousse à s’en décrocher les poumons. Elle le racontait à des voisins de table. Elle était dans sa baignoire. Si j’ai bien compris, elle a plus ou moins pris un malaise, s’est assise sur le rideau de la douche, tirant ainsi dessus. La barre de douche lui est tombée dessus avant d’atterrir sur le sol, causant un grand bruit. A moitié assommée, elle est tombée à la renverse. Elle n’arrivait pas à se relever, s’est traîné jusqu’au lit. Entre le canapé et le lit elle a pu se relever et appeler les secours.

Repas du soir à la salle de restaurant. J’ai eu le droit à une table décorée de pétales de fleurs. Charmante attention. J’ai demandé la recette d’une délicieuse salade : citron confit, raisins secs, poulet, poivron. Malheureusement, le cuisinier qui l’a préparé ne travaille pas ce soir… La soupe « chinoise » n’avait de chinois que le nom. Vous avez embauché un cuisinier chinois ? Sourires. Délicieuse mousse au chocolat un peu gâchée par l’assiette brûlante qui sort du lave-vaisselle.

Marché à Midoun en calèche. La jeune femme du couple, Elodie, enceinte et mère au foyer avec deux enfants sait négocier ! 15DT aller-retour. Dans le prix est comprise la photo sur le chameau et en plus, la calèche les attendra pendant qu’ils feront leurs courses au marché hebdomadaire. Demain je pars avec eux.

J’ai eu Régine ce soir au téléphone. Elle me téléphone en fin de matinée/début d’après midi. Je passerai l’après-midi avec eux.

Vendredi 25 mars

Encore de bons moments passés ici ! Mais le rhume ne passe pas, l’asthme non plus. Je me suis réveillée vers 5h30. Plus sommeil. Vers 6h j’étais à la salle à manger. Personne. Je déjeune, seule. Je sors marcher a la orilla del mar (au bord de la mer). Quelques photos. Coquillage, méduse, crabe mort, écume, encore.

Le rendez-vous pour la calèche est à 9h. A 8h40, j’étais à la salle à manger où je retrouve Elodie et Fabien. Ils partent, pas le temps de finir de boire un deuxième thé. Je n’en boirai qu’une ou deux gorgées. Brûlantes.

Voyage à Djerba du 20 au 24 mars 2011

La calèche, dans la rue, est à l’heure. Nous sommes un peu serrés à trois derrière, mais bon, c’est parti ! Le patron est devant, avec le jeune Abdoul avec qui le couple avait discuté. Bonne surprise, nous y allons par des chemins, pas par la route, découvrant ainsi un autre aspect des habitations, leurs cours. C’est Pégase qui tire la calèche.

Le jeune conducteur arrête la calèche, coupe un agave, en enlève la pulpe, verte. Restent les fils, appelés sisal. On en fait des cordages pour les bateaux. Avec, il en fait deux bracelets. Un pour chacune. Le fil séchant au cours de la journée, il devient aussi solide que du nylon. Cette plante est originaire du Mexique. Elle ne fleurit qu’une fois, parfois au bout d’une dizaine d’années en une immense inflorescence pouvant aller jusqu’à dix mètres.

Abdoul et le cheval

Abdoul et le cheval

Abdoul reste avec nous à l’arrière de la calèche et nous parle de sa vie difficile. Il a arrêté l’école à 15 ans. Un peu perturbateur à l’école, il embêtait les filles. Il est originaire de la région de Tataouine. Six frères. Un père malade qui ne travaille pas. Un frère « méchant » qui l’embête. Il travaille ici depuis trois mois. Son patron vit dans une maison avec sa femme et ses enfants. Abdoul lui donne l’argent gagné dans la journée et le patron lui laisse un petit salaire. Il est logé dans une cabane à un kilomètre de sa maison. Il y va avec le cheval dont il doit prendre soin. Il puise l’eau au puits et fait la cuisine sur un réchaud au bois.

Crèche

Crèche

Marché aux bestiaux

Marché aux bestiaux

Voyage à Djerba du 20 au 24 mars 2011

Abdoul nous explique que l’école primaire est payante, ainsi que les livres. Elle est obligatoire jusqu’à 13 ans.

Nous passons voir le marché aux animaux : chevaux, moutons, volailles sont à vendre.

Arrivés au parking des calèches nous laissons Pégase à l’attache. Nous sommes tous les cinq. Abdoul et son patron tiennent absolument à nous conduire dans une boutique. Nous y entrons. Le boutiquier nous colle, veut nous offrir le thé, le coca ou l’eau, manière de nous installer et nous obliger à regarder ses marchandises. Nous sortons vite. Abdoul reste avec nous. Il restera jusqu’à la fin. Je lui explique que je veux acheter ce tissu dont les femmes Djerbiennes se drapent. Blanc, orné de feston orange et noir. Il ne sait pas top où aller. Il se renseigne. Ce n’est sans doute pas le genre de marchandise que les touristes achètent habituellement. J’en ferais un dessus de lit. Je sais le métrage dont j’ai besoin. La marchande m’enveloppe de ce tissu. Je lui chipe son chapeau. Clic ! la photo ! Elle m’en propose khamsani. Cinq ? non, cinquante. Mon arabe est rudimentaire. Khamsa=5. Khamsani=50. J’ai appris un nouveau mot. On descend jusqu’à 35DT. De souk de légumes en souk aux épices, puis aux paniers, nous allons ensuite dans une boutique où j’achète un plat d’un joli jaune, un tee-shirt pour Antoine et le petit couple des chameaux « magiques » (l’eau ne s’écoule qu’après un tour de passe-passe).

Abdoul me dit qu’il connaît un resto où je peux manger pour 4DT. Et demain, samedi, il m’invite chez lui manger le couscous…

Gargoulettes

Gargoulettes

Une voiture klaxonne, se gare devant nous… c’est Tahar et Régine ! Je paie la calèche la somme convenue et nous partons tous les trois. Avant d’aller manger, Tahar doit récupérer une clé pour une maison qu’il va faire visiter. Nous nous arrêtons ensuite sur la plage de la Seghia où les bateaux, échoués, attendent la marée pour repartir. Nous sommes à côté du Club Med. Nous allons manger un arroz tunisien (mouton épicé cuit très longtemps, et riz à la vapeur). Nous remontons dans la voiture pour aller boire un thé à la marina de Houmt Souk. Nous nous arrêtons sur le port pour voir les gargoulettes, poterie que l’on pose sur le fond, dans laquelle le poulpe se cache. Ensuite, il n’y a qu’à la remonter à la surface pour capturer le mollusque. Des bateaux à l’ancienne promènent les touristes jusqu’à une île où sont posés les flamands roses. Pauvres bêtes ! La musique des bateaux joue à flux continu, décibels au maximum !

Face à la mer

Face à la mer

Le salon de thé est face à la mer. Le vent est très froid. Même le soleil n’arrive pas à me réchauffer. Nous devisons, refaisons le monde. Politique, corruption ; la vie de Régine, au Maroc, documentaliste, prof, Edmond … Elle n’a pas assez cotisé et ne perçoit « que » 2000€ de retraite. Bien peu eu égard à ses responsabilités antérieures. Mais sa carrière dans la fonction publique n’a pas été assez longue … Et pourtant cette somme est énorme par le pouvoir d’achat qu’elle lui donne, ici, en Tunisie. Elle veut devenir résidente tunisienne et ainsi ne plus payer d’impôts en France. Régine a connu Balme, poète, éditeur mais pas élu.

Marina

Marina

Quand je les interroge, Régine et Tahar démentent : l’école primaire est gratuite, sauf si c’est une école privée. Et obligatoire jusqu’à 16 ans. Qui dit vrai ? Pour le tissu, Tahar me dit que j’aurai pu l’avoir à 15DT. Jusqu’où ne pas aller ? Il faut bien qu’ils vivent, après tout !

Il est 15h30 quand je reviens à l’hôtel. J’écris dans mon carnet de voyage, au soleil, sur la terrasse de la piscine. Brrr …Il fait de plus en plus froid ! Je rentre dans le bar.

Puis c’est l’heure ou presque de la thalasso. Je n’ai pas réussi, pour aujourd’hui, à négocier plus de massage et moins de baignoire. L’employée me couvre de rassoul de la tête aux pieds. Légèrement granuleux. Le hammam me donne encore plus d’asthme. Mais bon, va pour 25 minutes à macérer dans le rassoul.

Quand je revoie Fabien et Elodie, ils me diront que, du fait que nous étions trois, ils ont payé plus cher la calèche. Je leur règle la différence.

Danseuse

Danseuse

Ce soir une danseuse orientale est venue exciter quelques vieux messieurs. Arrivée de la rue en hidjab, elle s’est changée en… beaucoup plus déshabillée. Bizarre impression.

Végétaux

Végétaux

Samedi 26 mars

Les tunisiens qui travaillent ici, soit c’est le hasard, soit ils ont un discours rôdé pour nous faire pitié, à nous les touristes. Nafsia, l’employée du hammam me dit qu’après son accident, son père ne peut plus travailler. Abdul, le conducteur de calèche, lui, que c’est à cause d’une maladie. Et Ali, que son père est mort…

J’ai envie de leur dire que ce séjour a un coût, pour moi, il représente la moitié de ma retraite !

Hier soir j’ai redemandé au jeune cuistot la recette de la salade. Il m’avait oublié ! M’oublier, moi !? Il a demandé à son collègue, présent, mais ce n’est pas celui qui a réalisé la recette. Puis le chef du restaurant, en personne, est venu à ma table, lutrin de cuisine et m’a montré la recette. Dans celle-ci il y a de la coriandre, pas dans celle que j’ai dégustée. Mon herbe préférée ; Ici, ils n’en mettent pas dans les plats. Lui, il en a dans son jardin.

Fillette

Fillette

Revenons aux salaires. Le jeune de la calèche, apparemment ne paie pas le loyer de son gourbi, fourni par son employeur. Mais Ali, et la jeune femme dont le fiancé est Libyen, combien paient-ils ? Par contre, Nafsia, 21 ans, Djerbienne, doit être logée par ses parents. Son fiancé me dit-elle, est footballeur professionnel. Les prix. 1 jour à Tataouine, resto et visites comprises = 75DT. 50 minutes de massage = 80 DT. D’accord, la capacité de la voiture est de 1 à 7 passagers, ce qui rentabilise le salaire du chauffeur et l’essence. Mais le masseur se donne à fond 50 minutes durant. Il « paie de sa personne », quasiment. Mais lui, il est payé combien ? Quel retour sur investissement ?

enfant

enfant

Voyage à Djerba du 20 au 24 mars 2011

Samedi 26 mars

L’asthme ? J’ai dormi assise et n’ai plus de Salbutamol®. Je me suis réveillée à deux heures, à trois heures, à quatre heures puis à six heures trente…

Ce matin, Ali a eu beau négocier à nouveau, ce fut un massage de 25 minutes.

Il gagne 200€/340DT par mois et paie 150DT de loyer. Il vient à pied car son logement est à côté de l’hôtel. Je lui explique que ce séjour, pour moi représente la moitié de ma retraite et qu’un loyer de 500€ n’est pas excessif, en France. Je dois payer 48€ pour ce massage supplémentaire de 25 minutes.

Je lui propose que nous mangions ensemble à midi. Il fini à 13 heures. Et me donne rendez-vous à 13h30 devant l’hôtel.

En attendant je fais mes devoirs d’espagnol au bord de la piscine. Je traduis du Lorca. Il m’aperçoit de la terrasse de la thalasso et me fait signe.

Je reçois un texto de Régine. Que c’est con ! Ils sont partis pour la journée à Zarzis ! J’aurai pu avoir un massage de 50 minutes dans le dernier créneau horaire… Si j’avais su…

12h42, le chef cuistot m’apporte la photocopie de la recette de la salade que j’avais bien aimé. Il m’a dicté, en plus, des trucs pour confire légumes et citrons.

A 13h30 pétante je l’attends devant l’hôtel. Je ne l’avais pas reconnu, il arrive ! En costard, beau ! J’ai tellement l’habitude de le voir dans une semi-obscurité, souvent sans lunette. En pantalon et veste blanches. Et encore plus souvent de ne pas le voir mais de seulement sentir ses mains.

Nous nous installons à la terrasse du resto le plus proche de l’hôtel bien qu’il m’ait dit que les employés n’aient pas le droit de fréquenter des clients(e)s en dehors de l’hôtel.

Nous discutons. Il me dit que pour s’inscrire en école primaire il faut payer 25DT, sans compter les livres qui coûtent entre 1,5DT et jusqu’à 12DT pour le collège et le lycée.

Il me donne son adresse mail et voudrait mon numéro de téléphone. Je ne lui donne que mon adresse mail.

Son téléphone sonne. Mince ! Sa chef lui demande de revenir pour trois heures, des clients sont arrivés et on a besoin de lui. Nous qui croyions que nous pourrions discuter jusqu’à six heures… Et lui qui croyait pouvoir assister au match de foot à la télé à six heures, c’est foutu ! Maudite journée ! Normalement il ne travaille pas du samedi 13 heures jusqu’au dimanche soir. Il ne sera même pas payé en heures sup !

Natteuse (Musée de Guelala)

Natteuse (Musée de Guelala)

Nous poursuivons notre conversation en mangeant. Il a fait une formation de masseur à Tunis. Elle lui coûtait 15DT par mois. Puis il a travaillé dans un centre de thalasso. La responsable lui a appris différentes techniques, l’envoyant même en stage. Il a appris le shiatsu, les massages ayurvédiques. Il a les mains si chaudes, quand il masse qu’il est même possible de ressentir leur chaleur quand sont à quelques centimètres au dessus de la peau, me dit-il. Il aime masser. Quand il masse, ce n’est pas un corps, qu’il masse, mais un tableau, qu’il crée. En français, ce qu’il connaît de notre langue, c’est surtout le vocabulaire lié à son métier, moins celui de la vie quotidienne.

En décembre dernier il a eu un accident de moto. Lui reste une légère cicatrice à la tête et un important problème au genou. Il devrait subir une opération des ligaments croisés qui coûte 3000DT ! En effet, son patron ne cotise pas à la sécurité sociale, même si il lui affirme le contraire. Son contrat est renouvelé tous les deux mois. Il n’a pas l’assurance d’être renouvelé. Il a 38 ans. Il n’est pas marié. Son père travaillait dans une mine de phosphate. Il est mort à 60 ans. Il dit toujours « maman », c’est mignon ! Il n’est pas homo, je ne crois pas. Il est pas mal. Pourquoi ne trouve t-il pas de femme ? Trop exigeant ? Se contente t-il d’amourettes de passage ? Il est déjà « sorti » avec une femme qu’il massait. Ses pourboires n’excèdent jamais 40DT chaque mois.

Le gatoussa (chat) a mangé le morceau de poisson que j’ai laissé échapper. Ma daurade était délicieuse et bien présentée ! Ni lui, ni le restaurateur ne connaissent le nom du poisson qu’Ali mange. Nous échangeons un morceau de poisson. Le sien est plus sec.

Musiciens

Musiciens

Il me raconte sa vie. Le personnel peut loger sur place (est-ce gratuit ?) mais c’est dans un dortoir de 16 personnes. Il y a une cantine mais c’est dégueulasse. Il préfère manger un sandwich. Il ne fait pas sa prière car masser des femmes est considéré comme impur. Par contre, pour le mois du ramdam il retourne à Gafsa, chez sa maman. Tu es mignon quand tu dis « Ma maman » ! Je lui ai demandé mais n’ai pas noté comment l’on dit maman en tunisien. Le couscous de sa maman est le meilleur. Normal… Il affirme que c’est à Gafsa que l’on trouve l’origine du couscous…

Nous prenons notre temps, jusqu’à trois heures, puis nous nous quittons.

Je retourne à l’hôtel, frustrée de cet après-midi écourtée. Je vais à la piscine, lire, écrire. C’est à cause de ce groupe d’athlètes qui ont couru dans le désert qu’Ali a été obligé de partir. Je les retrouve au bord de la piscine. Ils ont fait cela pour une cause humanitaire, si j’ai bien compris. Ce sont eux que j’ai vu, le premier jour, en short et débardeur avec un dossard numéroté. Ils ont eu chaud et bouffé du sable ! 130 kilomètres, environ deux heures à courir chaque jour en plein cagnard. Des étapes en 4x4. Pas loin de la Libye, ce qui explique la défection du plus grand nombre. Au lieu de 2 à 300 qu’ils sont les autres années, ils n’étaient que 21 !

Djerbienne

Djerbienne

Plus qu’une demi-journée à me reposer dans cet hôtel, ici, à Djerba. Demain, de bon matin nous repartons. Allongée au bord de la piscine, aujourd’hui, il fait soleil. Le vent se fait doux, puis plus fort, par instant. Nostalgique de la thalasso, je vais nager dans la piscine d’eau de mer. Jusqu’au denier moment. Puisque c’est ouvert… autant en profiter ! Ils n’ont que 3 clients ! Ils nous ont coupé notre après-midi pour trois clients ! L’employée de l’accueil me donne un peignoir. La ceinture est très très courte. Même pour une femme mince, comme moi, c’est un peu juste. Elle plaisante : on va disputer Ali, le responsable de la lingerie ! En plus il a cette responsabilité… Les filles du hammam étaient étonnées de me voir…

En maillot mouillé, au bord de la piscine, il fait froid. Dedans, je suis bien. Je m’endors pour une courte sieste.

Je descends manger. Puis passe discuter avec le gars qui est à l’accueil. C’est fou ! Le matin tôt à la salle à manger et le soir tard jusqu’à minuit à l’accueil Il est diplômé de linguistique. Nous discutions sur les langues. Gatoussa en tunisien, gato en espagnol, chat en français. Il a obtenu son diplôme en 2005. Il pouvait enseigner à l’université mais aurait du verser un bakchich de 15 000DT. Il a refusé. Il touche 400DT par mois pour 8 heures de travail par jour, six jours sur sept ! Il m’a confirmé ce que m’a dit Ali sur le dortoir et la cantine. Il habite Houmt Souk. Il marche 2 kilomètres puis prend un taxi à 5 DT par jour.

(6 jours x 5DT = 30DT x 4 semaines = 120 DT par mois !) S’il paie son logement au même prix que celui d’Ali 120 + 150 = 370DT dépensés sur un salaire de 400 DT, sans les pourboires, s’il en a. Il lui reste 30 DT pour vivre. Pas marié, pas enfants ? Quelle vie ! Il ne croit plus en rien. Ni au nouveau gouvernement, ni aux élections à venir, ni à la nouvelle constitution. Blasé, écœuré.

Sur la plage abandonnée...
Sur la plage abandonnée...
Sur la plage abandonnée...
Sur la plage abandonnée...
Sur la plage abandonnée...

Sur la plage abandonnée...

Dimanche 27 mars

Ah ! Maudit téléphone qui sonne l’heure du départ ! J’ai mieux dormi, ne me réveillant qu’à une heure et me rendormant vite. Hier soir je suis allée danser car Fabien et Elodie y allaient. Nous étions 4 sur le piste… je ne suis pas restée longtemps. Je me suis couchée à 23 heures après avoir fait ma valise.

Aéroport

Aéroport

Notre avion

Notre avion

Dans l’avion. En solidarité avec leurs collègues dont le contrat n’a pas été renouvelé, stewards et hôtesses portent un brassard rouge autour du bras.

J’offre un kawa au chibani assis à côté de moi. Je lui dis que je vais demander si mon conjoint pourrait faire un détour et le poser à la gare de Perrache, il habite Bourg en Bresse. La dame assise de l’autre côté, elle, habite à Vénissieux. Quelqu’un vient la chercher. Elle m’offre la moitié de son sandwich au thon, légèrement épicé ; bien meilleur que le mien ; et son yaourt.

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Rédigé par Martine Silberstein

Publié dans #Journaux de voyages

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Publié le 7 Août 2015

Randonnée à vélo dans le Vercors durant le week-end de Pentecôte 2010

Cette année encore me voilà partie seule sur les routes avec vélo et sacoches ! Cette fois, j'ai demandé à un ami de me concocter un circuit dans le Vercors.

L'idée du Vercors est tout simplement venue de l'invitation d'une ancienne collègue de travail et amie partie habiter dans cette belle région.

Mais "juste" lui rendre visite ne me suffisait point ! Il me fallait aller plus loin, et à partir de chez elle découvrir sa région.

Après une rude semaine de travail me voilà donc partie en voiture avec le vélo sur le porte bagage et les sacoches dans le coffre. Ces préparatifs n'ont pas été une mince affaire, cette année !

J'avais en effet décidé, pour mes 50 ans, de me payer une randonneuse. J'en rêvais depuis longtemps déjà. Le VTT équipé avec lequel je roulais depuis 3 ans ne correspondait pas vraiment à mes besoins: assez vieux, grinçant des pédales, gros pneus donc adhérant par trop à la route. Sur les conseils d'un copain du club j'étais donc allée rencontrer un vélociste. Il partait à la retraite en 2010 et je devais donc faire vite avant que les repreneurs n'arrivent. Ainsi fut fait. Il me conseillait sur le modèle, sur le type de pneus (increvable à 80% m'assurait t-il) assez gros mais pas trop, guidon plat, selle où, affirmait-il "je n'aurais jamais mal aux fesses" (il s'avère que c'est la même que sur celle de mon vélo de route- effectivement confortable). Je lui demandais les équipements que je souhaitais: porte bagage arrière/avant, garde boue, lumière, sacoche sur le porte bagage, compteur. Je lui demande des sacoches avant également car j'ai déjà les sacoches de mon ancien VTT.

J'emmène ce nouveau vélo avec moi pour un week-end dans le Jura avec mon club, l'A.T.S.C.A.F du Rhône afin de le tester. C'est vrai que je peine dans les montées. Les copains me conseillent de faire changer la cassette et de mettre du 32 voire du 34 à l'arrière. Devant j'ai du 24. C'est un VTC.

Je retourne chez mon vélociste. Il me conseille plutôt du 32. Soit! Mais il semble que la passation des "pouvoirs entre ancien et nouveaux" soit compliquée. Je passe les détails. Ils tardent à régler mon vélo. De fil en aiguille, j'aurais tout sauf la lumière que je récupèrerais sur mon vélo de route et le compteur que je récupèrerais de mon ancien VTT. Restaient les sacoches. Arrivent les repreneurs. Tous, ancien et nouveaux gérants sont incapables de m'en trouver parmi leurs fournisseurs. A une semaine et demi de mon départ, je prends le taureau par les cornes et vais voir un autre magasin qui, illico presto m'en propose.

La semaine même où je pars (le vendredi) j'aurais donc sacoches et pignon arrière adapté.

Ouf ! Il était temps !

Les semaines précédant mon départ, peu à peu, je rassemble le matériel dont j'ai besoin. Entre les vêtements, le couchage et la cuisine, c'est qu'il en faut des choses ! Et ne rien oublier, jusqu'au moindre petit briquet, médicament en cas d'urgence, etc... Equilibrer le poids des sacoches: quatre sacoches de 2,6 kilos chacune, presque sans faire exprès !

Jeudi soir, tout est prêt ! Vendredi après le travail je pars à Saint Laurent du Pont, en Isère chez mon amie Elise.

J'équipe ma randonneuse dès mon arrivée, la range au garage: une bonne chose de faite qui ne sera pas à faire le lendemain aux aurores !

Le jardin est très grand: prairie où paissent deux moutons dont un qui n'a pas été tondu depuis très longtemps et dont le poil ressemble davantage à du carton qu'à la douce pelisse laineuse de son jeune compagnon. Des lapinous et leur maman sont dans une cage, le papa dans une autre: y'en a déjà bien assez ! Les poules sont déjà couchées au poulailler.

La maison cambriolée cinq fois pendant qu'elle était inoccupée appartient à l'oncle de mon amie dont le jardin est mitoyen. Ancienne, (la maison, pas mon amie !) elle a du cachet. J'aime bien. Mais elle est mal isolée ! Le fuel et deux gros poêles à bois (un dans la cuisine, l'autre dans le salon) permettent de plus ou moins bien chauffer la bâtisse. Autrefois deux familles se partageaient la maison. Une seule est restée mais les chambres étaient louées, d'où les lavabos qui y sont installés me faisant penser à un hôtel ou à une pension de famille.

Puis au salon nous discutons joyeusement de choses et d'autres autour de quelques breuvages alcoolisés inconnus (bourgeons de conifère macérés dans du vin) en attendant que le dîner cuise. Les poivrons farcis au fromage blancs étaient délicieux. Elise avait en effet invité des amies, dont Audrey, une salariée de son compagnon, charpentier. La compagne d'Audrey, Barbara, est secrétaire de direction bilingue dans une entreprise de jouets qui travaille avec Hongkong. Elles se sont connues durant leurs études d'anglais. Audrey aussi est parfaitement bilingue et toutes deux adorent jouer avec les mots, les langues et la musicalité des langues. Barbara est musicienne. Nous passons à table. Le saucisson cuit au vin rouge était délicieux. Et même si les patates ont mis longtemps à cuire au four, elles étaient succulentes. Un peu de vin rouge avec le fromage, mmhh! Nous nous couchons donc un peu tard.

Le lendemain, je me réveille spontanément à six heures, mon heure habituelle de réveil alors que je m'étais autorisée à faire sonner mon réveil à sept. Tout le monde dort. Elise est adorable: tout est prêt sur la table. De mon côté, j'essaie de faire le moins de bruit possible. Par contre, en partant, je n'arrive pas à fermer la lourde porte d'entrée et je fais se sauver le chat. Mince!

Et me voilà partie ! Mais, devant la maison un doute me prend: sur la route à droite, ou à gauche ? Un homme m'aiguille dans la bonne direction. Mais est-ce l'alcool, la fatigue ou le manque d'entraînement (il a beaucoup plu ces temps ci et je n'ai pas assez pédalé) ? La route semble plate, à voir ainsi, mais sous mes pédales ça grimpe ! Faux plat montant, sans doute !

Le premier est en vue: col de la Placette, avant Voreppe. Ça va, je grimpe bien. Finalement, je préfère presque une franche montée ! Un petit rouge-gorge gît à terre. Un four banal, un peu plus loin. La route devait être plus haute, autrefois, elle n'est plus au niveau du four, maintenant. Je laisse Coublevie sur ma droite. Je ne sais pourquoi, le nom de cette commune me parle. Le col est à 587 mètres. Heureusement que je l'ai fait dans ce sens, il monte moins raide ! Devant moi, le paysage est de toute beauté.

Arrivée à Voreppe, arrêt stratégique dans une boulangerie. J'achète du pain et un pain au chocolat, pour plus tard. Je retire de l'argent à la banque d'en face. Je profite de mon arrêt pour demander ma route à un monsieur maghrébin qui attend le car. La direction de Sassenage n'est pas facile à trouver. Chokran, monsieur !

Je rejoins une route, une nationale très passante ! Coup de klaxon rageur de l'automobiliste à qui je n'ai pas l'heur de plaire et qui est en colère de ne pouvoir faire ce que je fais. Ils seront peu nombreux (deux, je les ai comptés). Les petits coups de klaxon sympas seront beaucoup plus nombreux, de ceux qui admirent l'effort et/ou m'envient et aimeraient être à ma place. Traverser l'Isère, Veurey-Voroize, Noyarey, Sassenage. Zone industrielle et artisanale assez peu intéressante. La piste cyclable est le seul point positif de ce tronçon.

Et voilà sur la droite une belle montée qui commence ! Un lotissement de constructions dites bioclimatiques promettant mois de 150€ de chauffage par an.

Pont Charvet, le premier mémorial que je rencontrerais en hommage aux résistants tombés sous les balles allemandes le 1er août 1944. Tout le long de ma route, je trouverais ainsi de modestes ou de grandioses monuments rappelant la guerre de résistance contre l'ennemi. Je ne m'arrête pas.

Dans un renfoncement, un parking de vieilles voitures, prétexte à m'arrêter pour prendre en photo une grosse et belle Cadillac, pour mon fils Antoine qui les adore. A 9h30, je suis partie depuis 2h30, j'ai déjà fait 30 kilomètres. Pas si mal, quand même ! Par contre, depuis que j'ai déraillé à Voreppe, un cliquetis désagréable se fait entendre derrière quand j'appuie sur la pédale droite.

Le paysage est magnifique, la vue sur la plaine de l'Isère, les rochers. Quel plaisir, le vélo ! Je connais même un copain qui préfère monter car, dit-il, dans la descente "T'as rien le temps de voir !".

Tout au long de mon parcours je rencontrerais beaucoup de fleurs et d'orchidées de toutes sortes: courtaudes ou plus élancées, jaune, roses ou rouge intense. Quand, fatiguée, je voudrais me reposer, le prétexte sera tout trouvé: photographier ces cadeaux de la nature.

Dieu que mon vélo est lourd ! Trotte dans ma tête l'idée de me débarrasser d'une partie de mon chargement. Le temps est au beau fixe, le week-end s'annonce ensoleillé. Et trotte que trotte que trotte... Finalement, je m'arrête et essaie de téléphoner à Elise. Ne s'était-elle pas proposé, au cas où je flancherai en cours de route, à venir me chercher avec le camion de son compagnon ? Elle ne répond pas. Je prends un sac en plastique, y met guêtres, gants chauds, cagoule, brassières et jambières et, le plus lourd: mon anorak ! Ouf! Ça en moins. Laliarey. "La maison d'Harika". "Pain cuit au feu de bois". La maison devant laquelle je suis arrêtée comporte un petit mur, et derrière, des chaises de jardin. J'appelle. Un jeune homme arrive, arrosoir à la main. Puis une femme assez âgée. Elle est la propriétaire et m'autorise à déposer mon sac. Je lui assure qu'une personne viendrait le chercher dans la journée.

Plus légère, mais ça monte encore bien, je repars. C'est bien difficile quand même ! Arrive Engins, un village où j'essaie d'acheter du fromage bio (c'est à la mode!) Dans une ferme. Un grand-père me dit que ce n'est pas lui qui vend et personne pour me renseigner. Tant pis, poursuivons ! Gorges du Furon (le nom du torrent ?)

Sans fromage, mais avec du pain, j'arrive aux gorges du Bruyant. Une halte pique-nique en contrebas, un petit pont qui enjambe un ruisseau bien vif. Avant que la place ne soit envahie, j'ai le temps de faire ce que personne ne peut faire à ma place... Une esplanade en contrebas, toute en herbe, des tables faites toutes exprès, j'y appuie mon vélo et commence à décharger mon barda: camping gaz, casserole, tasse, assiette, couverts et mon repas. Ce rituel se répètera autant de fois que j'aurais faim et souhaiterais pique-niquer. A midi, salade de pommes de terre, tomate, petits oignon, origan et concombre. Thon. Figue sèche. Pain. Je me fais chauffer de l'eau pour le thé. Arrive de la visite. Un couple avec deux petits garçons qui, vite, se mettent en culotte et vont se tremper les pieds, les fesses, et même la serviette dans le courant d'eau glacée. Le plus petit remonte, les fesses maculées de terre. Bouille ronde, lunettes, il est marrant comme tout à courir après un papillon et l'appelant: "Papillon ! Papillon ! Papillon !". Le plus grand, appliqué, ramasse du petit bois avec son père pour le barbecue. Arrive à ma table un couple et leur amie d'Aix en Provence venus fêter les 70 ans du monsieur, avec une quarantaine d'amis dans un gîte à Autrans. Le temps que je finisse de ranger, un couple de marcheurs assez âgés arrive. Ils m'assurent avoir vues des marmottes un peu plus haut avec leurs jumelles. En remontant je croise un petit groupe de cyclo-campeurs comme moi. C'est agréable mais nous n'échangeons qu'un bonjour et des sourires.

Et me voilà repartie. La pente est moins raide. Enfin ! Un cyclo me double et me lance un "Bonjour et félicitation !" emphatique. Je recevrais assez souvent des encouragements du geste ou de la voix tout au long de ma route. Ce motard croisé, par exemple, enthousiaste et qui, pouce levé me manifeste son appui moral.

Lans en Vercors. Ça monte ! Cette ville est jumelée avec Saint Donat, au Québec. J'ai un mien ami, très cher, qui a vécu longtemps à Saint Donat sur l'Herbasse, dans la Drôme et où il pose encore sa caravane. Sa maman, pendant la guerre y a caché beaucoup de résistants dont Louis Aragon et Elsa Triolet. Et le Québec m'évoque aussi la tournée de promotion pour mon dernier livre que je vais y faire en octobre.

Quelle chaleur ! Mais voici le col de la Croix Perrin à 1218 mètres d'altitude. Puis belle descente. Bernard, qui m'a concocté ce parcours m'a indiqué Autrans puis Méaudre. Là, je dois faire un choix. Devant moi, la carte. Soit je coupe et vais directement à Méaudre, soir je pousse jusqu'à Autrans. Bon, Autrans je connais, j'y ai séjourné cet hiver avec un groupe, de copains avec qui nous avons fait du ski de fond. Une taupe, tout petit animal, écrasé sur la route.

Je coupe et évite Autrans. J'arrive donc à Méaudre. Un magnifique pré, à l'entrée, couvert de fleurs de pissenlit d'un jaune éclatant !

Un peu plus loin, une grotte devant laquelle sont disposées des silhouettes d'hommes préhistoriques. Sans doute un clin d'oeil à l'histoire du village. Je passe devant le gîte où ont gîté une collègue et ses amis. Son propriétaire annonce la bienvenue aux cyclotouristes, leurs proposant même des services techniques (réparation, gonflage).

Les Jarrands. La Balme de Rencurel. Puis enfin les gorges de la Bourne que je ne dois rater à aucun prix m'a dit Bernard. Travaux et panneau lumineux. Elles sont ouvertes du 21 mai à 17h30 jusqu'au 25 mai à 8h30. Quel jour sommes nous donc ? Ouf, c'est bon, ça a faillit ! Mais il a raison, c'est d'une beauté à couper le souffle. Est-ce toutes les endorphines que je produis à force de coup de pédale, je ne sais, mais je suis complètement euphorique, comme si j'avais bu un petit coup ! Mille mercis à Bernard, je te bénis, quelle magnifique parcours ! En sortant des gorges, la belle cascade de Moulin Marquis dans le cirque de Bournillon forme comme une chevelure.

Dans les gorges de la Bourne le car assurant la liaison régulière entre les villages avance à petit pas. Son toit n'est qu'à cinq centimètres sous l'encorbellement des rochers. Les rochers; acérés, ne pardonneraient pas le moindre frottement. Et moi, dans tout cela, je me plaque du mieux que je peux contre les rochers, côté falaise avec mon vélo encombrant. Je me demande si je ne vais pas être écrasée par cette masse.

Mon téléphone sonne. C'est Antoine, mon fils, qui s'inquiète que Marielle ne soit pas venue le chercher pour le mener voir les joutes. Son fils pratique ce sport et fait une démonstration cet après-midi au bord du Rhône. Il ne va pas s'ennuyer ! Demain dimanche et lundi, peut-être. Il ira sans doute à la piscine avec son père dimanche matin. Après tout, être toujours occupé, c'est bien, mais prendre le temps de ne rien faire, voire de s'ennuyer, est très bien aussi. Je me console comme je peux.

Deux escaladeurs s'équipent au pied de la falaise. J'en verrais d'autre sur mon parcours. Tout comme les pêcheurs à la truite le long de tous ces torrents bouillonnants dévalant les pentes. Leurs bras vifs et nerveux lancent sans relâche l'hameçon. L'eau doit être glacées, à voir les petits névés et la montagne (le Dévoluy ?) couverte par endroit d'une neige étincelante au soleil ! L'un de ces pêcheurs est bel homme: brun aux yeux bleus, torse nu sous sa veste sans manche ouverte, il a de jolis abdos bien musclés! Je sors des gorges de la Bourne, en pleine euphorie dans ce magnifique paysage et me dit, en riant, "J'en ferai bien mon quatre heures de cet homme là!"

Choranges. A quinze heures j'avais fait 60 kilomètres

Pont en Royan et ses maisons suspendues au dessus de la Bourne. Suis déjà passée ici au moins une fois emmener Pauline, ma fille, à un stage BAFA sur le thème de la rando et de la découverte en montagne. Petite visite à l'épicerie du village pour quelques emplettes: fruits, tomate, maquereaux à la tomate. Des jeunes filles du village remontent un peu mouillées du bord du torrent. Elles ont fait trempette, l'eau est encore glacée.

Une pancarte m'interpelle: "Il est interdit de plonger du rocher suspendu". Nous en parlons ensemble: "C'est plutôt les garçons qui font ça. Y'en a un qui est mort, il avait plongé du pont, la tête fracassée contre un rocher. Il a raté l'eau". Ça ne pardonne pas. Elles me disent plonger d'une petite hauteur et s'ennuyer ferme dans ce village où il n'y a rien à faire.

Saint Laurent en Royan. L'hôtel-restaurant est fermé. A une grand-mère toute maigre qui arrose ses fleurs dans sa cour je demande si elle sait où je peux trouver une chambre. Elle m'indique le rond-point un peu plus loin m'assurant qu'il y a là des chambres d'hôte.

Effectivement, 500 mètres plus loin voici une drôle de maison cubique, toute jaune. Michel. C'est le nom du propriétaire. En fait, trois cubes empilés les uns sur les autres formant du coup trois terrasses. Je sonne. Je me sens regardée à travers l'oeil d'une caméra. Je dois avoir une sale tête. J'attends. Finalement une voix d'homme puis immédiatement après une dame apparaît. Oui, il y a de la place. Je la suis avec mon vélo. Ils sont "après jardiner", comme on dit entre Loire et Rhône. Elle me dit que mon vélo sera très bien dans la chaufferie et m'invite à visiter ma chambre et la maison. Tout me convient parfaitement. La vue est magnifique. Les pièces sont claires, la terrasse est grande et je ne suis pas claustrophobe, aussi j'accepte l'idée de dormir dans cette chambre troglodyte. Dans la salle de bain, une fenêtre faite de briques de verre donne sur la chaufferie où dormira mon vélo. Aujourd'hui j'ai fait 88 kilomètres.

Les chambres n'ont pas de clef, c'est ainsi ! Pour me rassurer, la propriétaire me dit qu'il n'y a jamais eu de problème. La maison est fermée à clef le soir, c'est tout. Le bâtiment est ultra moderne, conçue par un architecte mais la chambre est meublée de façon traditionnelle. Mes hôtes ont beaucoup voyagé: Brésil, Afrique du sud et leur maison en porte la trace.

Dans ma chambre, une petite lampe, très kitch, en forme de coquillage sur la table de nuit. Au dessus de l'armoire, des coraux et des coquillages, tout comme sur le meuble de salle de bain.

Au mur, derrière la tête de lit un "magnifique" poster de mer avec un palmier donnant l'illusion d'une fenêtre ouverte sur le monde. Le monsieur collectionne toutes sortes de couvre-chefs qui ornent les nombreuses descentes d'escalier. Cette maison est un vrai labyrinthe.

Le store de la terrasse est automatique. Il sort dès qu'il y a du soleil et rentre en cas de vent. Il est équipé d'un anémomètre. Je décharge tout mon bardas, prend une bonne douche. Quel bien être ! Le soir, ce gîte ne propose pas de repas et l'hôtesse me propose d'aller au restaurant. Mais il était fermé, tout à l'heure ! Elle me donne leur carte de visite. C'est ouvert, j'irai pour huit heures. Elle me demande l'heure à laquelle je veux déjeuner. Je ne veux pas dire une heure trop matinale mais... 7 heures ? Pas de problème, cet horaire lui va très bien. Pendant qu'elle fait cuire mon riz pour le lendemain elle m'offre à boire du sirop de châtaigne. J'écris dans mon journal de voyage.

La propriétaire offre l'apéro: du vin de noix qu'elle fait elle-même. Un jeune couple de la Sarthe est lui aussi logé dans ce gîte. Lui est en "reconnaissance professionnelle". Il a l'opportunité d'un travail ici et vient tâter le terrain. Il fait du vélo dans sa région mais estime qu'ici, c'est une autre affaire! Le paysage n'est que montagne. Un couple et leur fils d'environ trente ans. Une dame, peintre. Elle a décoré une chapelle de Voreppe.

Propre, reposée, détendue, je pars au restaurant pour huit heures. Le serveur est d'humeur joyeuse. Il plaisante avec les clients. Même si je ne bois ni apéro ni vin, il m'offre tout de même quelques zakouskis frais à base de pâte feuilleté. Tomate cerise, style mini-pizza; persillade; fromage. Je choisis mon hors d'oeuvre: ballottine de volaille pistachée faite maison. Puis saumon en croûte de sel accompagné de rizotto aux cèpes et d'un flan de carottes au curry. Aznavour en discret fond sonore.

De temps en temps je pense à mon sac de vêtements posés sur une chaise au début de mon parcours. Elise n'ira pas le chercher aujourd'hui par crainte des embouteillages. Demain, peut-être? Sinon j'irai moi, lundi.

Mardi

Il fait beau, je prends mon petit déjeuner sur la terrasse où nous attend un petit déjeuner pantagruélique mais peu adapté aux efforts à venir: ni céréales, ni pain complet. Par contre des confitures maison très originales et très nombreuses. Pour la nuit, le petit déjeuner et la conversation des "patrons" il m'en a coûté 33€.

Bernard, je t'ai béni dans les gorges de la Bourne, je te maudirai aujourd'hui ! Ça m'apprendra de te demander de me construire mon parcours !

Challenge du Vercors; une pancarte, que je verrais tout au long de la journée: "Attention épreuve cycliste. Prudence" signé du magazine du Cycle.

Dans le col de la Machine j'allais si lentement... je zigzaguais tant, que je suis tombée ! Moi qui, d'habitude met un point d'honneur personnel à ne point marcher à côté de mon vélo, au pire je m'arrête, posant le pied par terre puis remontante sur l'engin. Mais là; impossible de faire autrement ! Alors pousse que je te pousse le vélo.

Fatiguée ? Pas un problème: l'appareil photo m'invite à prétexter d'une belle fleur (et elles sont nombreuses! Très nombreuses !) pour un petit arrêt.

Ça y est ! Les coureurs arrivent ! Les deux premiers encadrés par moto et voiture tout gyrophare allumé, sirène hurlante pour prévenir et demander à ce que l'on se pousse. La route est à tous. J'ai autant de mérite qu'eux, alors je continue en pédalant lentement. Certains coureurs m'encouragent de la voix, d'autres, souffle réservé à l'effort lâchent le guidon et lève le pouce en signe d'admiration. Leurs supporters, sur le bas côté de la route m'encouragent aussi.

Avant le col de la Machine, le col de Gaudissart. De 277 mètres d'altitude, on arrive à 940 mètres à ce premier col. . Heureusement qu'elle passait exclusivement à l'ombre, cette satanée route, j'ai eu le pourcentage, sans la chaleur. Deux hommes se rhabillent, deux copains de vélo. L'un repart d'où il vient, l'autre continue mais tourne à droite peu de temps après pour ensuite redescendre. Ce dernier m'explique qu'à partir de là, la pente sera moins rude. Effectivement, il a raison. Je redescends à 908 mètres. Pédaler est un peu facile. Ou un peu moins difficile, c'est selon !

Puis arrive ce site magnifique qu'est La Combe Laval. Des à pic vertigineux, des falaises face à nous, un cirque.

Photo du 45è parallèle.

Les coureurs me doublent à vive allure ! Prochain village, Lente. C'est bien ce qui, me caractérise, cet adjectif !

Ça remonte à 972 mètres. Ce col de la machine est une machination contre moi ! Il culmine à 1025 mètres. Je fulmine contre Bernard ! Je me délectais, après tous ces efforts, à l'idée d'une belle descente... Que nenni ! Lente et sa forêt. J'entends un drôle de cri. Un chien ? A mon retour, Elise me dira que j'ai sans doute entendu un brocard en mal d'amour.

Au passage le panneau "Le sapin bronzé" me fait sourire. Une fontaine abreuvoir dont l'eau s'échappe du tuyau en jet dispersé, comme celui d'une douche ! Photo ! Je collectionne les puits, fontaines et abreuvoirs.

L'avant-avant-dernier cycliste me double. Un pas comme les autres, celui-là; envie de causer... Et un fin sac en tissus dans le dos. Mais me double quand même, faut pas croire ! Un peu plus loin, alors que je pédalais (mais oui, parfois je pédale sur mon vélo !) Je le vois marchant et poussant son vélo. Ça alors ! Une voiture s'arrête à son côté, mais il la chasse avec de grands gestes. J'ai beau pédaler lentement, je finis quand même par arriver à son côté.

"Vous avez à boire ?".

"Oui, oui, vous en faites pas !".

"A manger ?".

"Pas de problème !".

"Mais quoi, alors !?".

"J'ai une grosse crampe à la cuisse !".

"J'ai du sporténine®, vous en voulez ? Prenez-en deux comprimés! Si vous êtes contrôlé, pas de problème, c'est de l'homéopathie!".

"Ah, oui! Merci, c'est pas de refus!"

Je lui tends le tube, il se sert. Et je repars. Peu de temps après, ce qui devait arriver arriva: il me redouble!

"Ça va mieux, on dirait!"

"Ah oui! Merci ! En plus tout à l'heure j'avais crevé... Vous acceptez que je vous prenne en photo pour cyclosport.com, je suis leur correspondant ?"

Il rit.

Je crois à une plaisanterie, je ne connais pas ce site, mais j'accepte ! Nous nous disons au revoir. Il redémarre à vive allure.

Un peu plus loin, la voiture balais ramasse tous les panneaux de signalisation de la course. Je suis à nouveau seule cyclo sur la route.

J'ai bien droit à une pause pique nique ! Là où je suis, je domine la route. Du riz cuit dans le gîte par mon hôtesse, elle m'a même donné du persil, à ma demande, une tomate avec un filet d'huile d'olive. Du sel. Mmhh! Quel délice après cet effort ! Le Saint Marcellin, dans sa boîte, a coulé au fond de la sacoche. Un coup de lingette et il n'y paraîtra plus. Il est délicieux. Et pour finir une banane bien mûre saupoudrée de sucre. Pour digérer un thé brûlant. Il faut boire, beaucoup, je me déshydrate, sinon, avec tout ce que je transpire.

Mais ça continue à monter jusqu'au col de Lachau à 1337 mètres, plus encore que celui de La Machine ! Je pose à nouveau parfois le pied à terre... Et je pousse mon vélo. Le mal aux épaules remplace celui des jambes. Je pouvais doucement rêver qu'après cet effort surhumain j'aurai droit à ma récompense. Ni une descente, ni même le moindre petit sanitaire ouvert à la pauvre petit cyclote que je suis ! Interdit de pisser ! Je me venge sur un centre d'exploitation technique du département de la Drôme. Il faudra que j'en cause à mes copains du Rhône ! Les nuages sont bas, il commence à pleuvoir doucement. Rien de bien méchant mais je bâche mes sacoches, pas moi.

Vassieux en Vercors. Est suivi du col de Saint Alexis, à 1222 mètres et tout de suite après du col du Rousset à 1254 mètres, pour le fun ! Un col de plus... Celui là, j'aurais pu l'éviter en tournant à gauche en bas de la descente (enfin une vraie!), mais j'ai tourné à droite. Il ne m'a pas semblé trop difficile. Il pleuviote toujours un peu. Encore un petit besoin. A la station les bars me tendent les bras. La civilisation est retrouvée. Un bon Vichy-fraise, des barres de céréales, la pâte de fuit de mon père. Et c'est reparti ! Un groupe d'une trentaine de motos vrombissantes me double! Bof, moyen comme sensation ! Autant 4 à 5 motos, ça va, mais, là, l'impression d'être envahie: le bruit, la vue, l'odeur, tout y est ! Puis la descente et la presque plaine... Je rencontre aussi un cyclo qui fait parti d'un groupe. Partis de La Londe Les Maures, au bord de la Méditerranée, ils réalisent un circuit mer/montagne. Ils sont accompagnés d'une voiture suiveuse qui porte leurs bagages. Ils dorment là, à l'hôtel. La Londe les Maures, lui dis-je, je connais: j'y fais de la plongée. J'y étais d'ailleurs il n'y a pas bien longtemps !

Rousset en Vercors. C'est la fête de la nature, comme, dans d'autres communes et même aux Champs Elysées à Paris. Ici, elle bien modeste. Quelques stands. Kermesse.

Je craque pour un troupeau de brebis et d'agnelets tous frais sortis des entrailles de leurs mères, frêles sur leurs pattes grêles.

Le hameau de la Britière sur la droite et sa jolie chapelle grimpée sur une petite mais abrupte falaise.

Un panneau sur un bâtiment ancien porte une plaque: laiterie bombardée par les allemands.

Saint Agnan en Vercors. Tout droit, ou à gauche ? Les deux routes vont à Saint Martin en Vercors. A gauche encore un col, ou plutôt un Collet, puisque c'est son nom ! Bon, allez, ça m'en fera un de plus, même s'il ne fait QUE 878 mètres d'altitude. De la gniogniotte, à côté de ceux que je viens de franchir ! Petite boucle supplémentaire et hésitation entre deux routes. Vive les cartes IGN® !

Vers La Chapelle Saint Martin, les narcisses étaient inaccessibles à l'objectif de mon appareil photo, dommage !

Encore combien de kilomètres suis-je capable de faire ? Ce qui est sûr, c'est que je n'irais pas jusqu'au col de Chalimont, ça non ! 6 cols (et quels cols !) dans une journée, je crois que ça me suffira bien ! Je vais jusqu'à Saint Martin en Vercors ? Bof, non ! Finalement, le hameau des Moreau en direction de Tourtre semble bien doté en Gîtes. Allez, va pour Tourtre ! Je m'adresse à une personne, afin de savoir s'il y a des gîtes libres. Je demande à une dame qui fait visiblement partie d'un groupe de marcheurs, à l'étape aux Moreau. Ils louent un gîte où, officiellement il y a de la place mais ils se sont si bien étalés qu'il va leur falloir se pousser si je veux m'installer. Cette personne m'indique que le propriétaire est un peu plus haut. Je vais à sa rencontre. Il me propose un gîte entièrement vide où 15 à 17 personnes peuvent être hébergées ! Mon vélo aussi trouvera sa place. Le tout pour 14€ la nuit ! Au rez-de-chaussée, une salle de bain avec baignoire et w-c; cuisine avec évier, buffet, gazinière, frigo, chaises et table; une pièce avec canapé, table, chaises et buffet; une autre pièce avec canapé, table, chaises et buffet. A l'étage, deux chambres avec lits deux places, lits une places et lits superposés ! Tout ça pour moi ! Il fait entrer mon vélo dans la pièce qui donne directement accès vers l'extérieur. Finalement, je n'utiliserai que la salle d'eau, l'évier et la gazinière de la cuisine et cette pièce. Inutile de m'étaler.

Le temps de bien m'installer... ouf ! Les nuages s'essorent sur le paysage. L'orage durera bien une demi-heure et il pleut à grosses gouttes. Finalement, j'ai bien fait de ne pas poursuivre ma route ! Je regardais la pluie tomber, bien à l'abri.

Un troupeau de vaches que le paysan du village conduit sur la route tournent devant la maison où je suis hébergée. J'ouvre la fenêtre, je les vois passer sous mes yeux et surtout j'entends le paysan les pousser avec son aiguillon. Il porte un grand parapluie noir, il semble bien énervé, il est très vulgaire avec ses bêtes qu'il abreuve de mots grossiers et insultant.

Puis je déballe toute mes affaires et après une bonne douche, je note sur mon carnet de voyage les éléments intéressants de la journée. Un peu de lecture. L'orage est fini.

Je pars me promener. Je laisse tout, n'emmène rien sauf l'appareil photo. J'oublie de fermer, nous sommes à la campagne, non ? Le soleil est revenu et la campagne, humide, est belle resplendissante. L'eau du torrent bouillonne.

Deux escargots, un jaune lisse et uni, l'autre rayé marron et jaune montent le long de deux tiges parallèles. Une pancarte: "foie gras". Je cherche la boutique, elle est fermée le dimanche. Mince ! J'aurai pu en ramener à Elise et François. Au fait, sont-ils allés chercher mes vêtements chauds laissés sur la chaise ? Ils ont du prendre l'orage ! Tant pis, je les ferais sécher !

Une colonie (ou plutôt une classe verte) revient de ballade. De retour vers le gîte la montagne est belle. Des lambeaux de brume montent du sol, je prends la photo. Une photo aussi pour ma collection de fontaines et abreuvoir. Le jet ressemble à celui de la fontaine prise en photo au cours de mon ascension du col de la Machine.

Cette route est plus passante que je ne l'aurai imaginée ! Des voitures, souvent, et même un car !

Comme le soleil est revenu, je sors une chaise et je lis au soleil. Puis je mange là, toujours au soleil. Velouté de champignon en poudre (...), encore du riz. Il sera moins sec car je le mange avec du maquereau à la tomate en conserve. Très pratique, les poissons en conserve: pas cher, protéiné et compact. Il reste du fromage. Tout à l'heure, à midi, je l'ai mis dans la boîte où était le riz afin qu'il ne coule plus. Et pour finir, une pomme et une tisane. Il ne me reste pas grand chose. Pour demain matin j'ai encore du pain, je mangerai de la confiture. Mais demain, lundi de pentecôte, trouverai-je une boutique ouverte ? Une tomate à voler dans un potager ? Je ne mourrai pas de faim. J'ai beaucoup de barres de céréales, de la pâte de fruit, de la soupe. Qui vivra, verra !

Il est tôt mais je vais me coucher. Je lis encore un peu: le soleil, lui, n'est pas encore couché, il n'y a pas de rideau. Demain je vais me réveiller tôt, tant mieux ! Finalement, réveillée à 6 heures, je pars à 7 heures. Une fois tout rangé, bien équilibré dans les sacoches, je sors le vélo, ferme la porte, et c'est parti !

Mince, à peine partie, je déraille. Pas grave ! Il fait frais. La route est belle. Saint Martin en Vercors, sortie du village. Il est tôt, tout le monde dort. Puis, première route à droite ! Altitude 829 mètres.

Le paysage est sous la brume, je fais de nombreuses photos. Un paysan, très âgé, coupe du bois à coups de hache. Bravo ! Quel courage ! Il me renvoie mon compliment. C'est que ça attaque raide, la montée! Mais je préfère cette montée car la vue est dégagée, contrairement à celui du col de la Machine. Les oiseaux chantent. J'aime écouter leurs chants. Certains semblent se répondre, c'est parfois amusant.

Un panneau explicatif sur la faune au bord de la route prévient les escaladeurs que les faucons pèlerins ont fait leur nid sur les parois abruptes et qu'il ne faut pas les déranger. Pour repartir sur le vélo, je zigzague et me fait une belle frayeur: la roue avant s'est arrêtée dans la boue à quelques centimètres de la pente abrupte. Donc, je pousse le vélo. De temps en temps je remonte dessus. Ça monte bien. Je suis déjà à 1211 mètres et je suis partie depuis peu. Le col de Chalimont, lui, est à 1365 mètres d'altitude.

La route redescend, puis remonte sur Villard-de-Lans.

Elle est agrémentée d'un chemin de croix que le chanoine Jacques Douillet, curé de Villard de Lans a conçu. Il l'a réalisé en juin 1944 avec ses paroissiens en souvenir du 16 juillet 1944. Les Allemands, après avoir incendié St Nizier, investissaient Villars. C’est alors que la paroisse fut mise sous la protection de Notre-Dame. Ils lui firent vœu de célébrer désormais solennellement le pèlerinage de Valchevrière, par un chemin de croix auquel prendrait part la population, tout au long des huit kilomètres de la route.

De ce fait, les stations du chemin de la Croix portent, ` gravés dans la pierre, les noms des jeunes gens qui trouvèrent la mort dans les combats du Vercors. J'en verrai quatre et en photographierai trois.

Chaque station est une peinture pieuse, colorée comme une icône, surmonté d'un petit toit. Dessous, une plaque gravée. Sur la première, ce texte : "Pour la liberté, la justice la dignité de l'homme, pour la France et la Pologne, sont morts au champ d'honneur, ont souffert dans les prisons et les camps de concentration les professeurs les élèves les employés du lycée polonais de Norwig (?). Puis le même texte en polonais. Villard de Lans 1940- 1946. Sur l'autre, une autre peinture et ce texte: "Souvenez-vous de Saint Vincent". Ce chanoine est décédé le 19 décembre 2007.

Ensuite, c'est plat ou presque. A Lans en Vercors, je m'arrêterais dans une épicerie. Elle n'a plus de tomate. J'achète une banane et des sardines. Je m'arrêterais un peu plus loin pour manger. Mais avant, ça urge, une pause pipi devant une maison dont tous les volets sont clos et où l'herbe a envahi le jardin.

La route fait un grand virage à droite. Je prends le chemin qui part sur ma gauche. Peu de visibilité sur les véhicules qui arrivent en face. Oups ! Je m'arrête à temps. Le chemin monte raide, il domine la route d'un côté, la vallée de l'autre. Il avance dans un bois de conifères. Des souches feront l'affaire. J'ai une chaise ! Je me régale de mon frugal repas. Encore du riz ! Et toujours un thé pour accompagner mon dîner. Une petite sieste réparatrice. Je remarque des pousses de conifère: une puis deux, puis trois et quatre. Je les ramasse et les mets dans le pot qui a contenu mon riz. Je les planterais en arrivant chez moi. Nous avions un beau mélèze dans notre jardin. Il soulevait le portail que nous n'arrivions plus à fermer. Il n'a pas résisté à la tronçonneuse...

Saint Nizier du Moucherotte : commune médaillée de la résistance. En 1986, un pacte d'amitié a été signé liant les 17 communes médaillées de la Résistance. Cette relation privilégiée est désormais institutionnalisée dans le Comité national des collectivités territoriales médaillées de la Résistance française. J'ignorais que cette médaille pouvait s'attribuer à des communes. Voyager est très instructif ! Les voyages ne forment pas que la jeunesse. J'ai eu 50 ans cette année. Gabin n'a t-il pas dit: je sais que je ne saurais jamais.

A Saint Nizier se trouve les rocher des trois pucelles. En contrebas, la commune d'Engins où je suis passée le premier jour. "Les trois pucelles regardent l'engin" me dira une amie...

Après Saint Nizier, une descente de toute beauté: paysage, revêtement de la route, griserie de la vitesse ! Un vrai bonheur! Au passage un lieu dit au nom mystérieux: "La tour sans venin"...

Voilà la VILLE, la vraie. Et moi j'hésite sur la route à prendre. Des pistes cyclables. Et même un cyclo à qui je peux me demander mon chemin. C'est tout droit puis à gauche.

Monotone ville de la banlieue de Grenoble, ignobles lignes droites, zones pavillonnaires puis industrielles. Seyssinet. Sassenage. Noyarey. Heureusement, à droite, une belle montagne, aux rochers plissés penchés devant un beau ciel bleu me remonte le moral.

Je téléphone à Elise. Je lui dis que je l'attends au rond point... Sur la pelouse d'un Mac Donald... Moi qui aime si peu les fast food, je m'enfile le plus grand coca cola qui existe, avec plein de glaçons ! Je ne veux pas refaire le col de la Placette, je l'ai déjà fait. Et puis 10, c'est un chiffre rond.

Je détache les sacoches du vélo. La rando est terminée. Je suis heureuse.

J'aide François à mettre mon vélo dans la remorque et c'est en voiture que je refais le dernier col. En arrivant, nous faisons un tour du jardin. Je reprends le sac laissé chez eux. Et nous buvons l'apéro, Elise et moi tandis qu François coupe du bois dans son atelier. L'odeur du sapin coupé ! Je leur dit au revoir et pars, avec ma voiture chercher le sac de vêtements chauds. Finalement, il n'aura pas plu et ils sont secs. Je remercie la locataire de la vieille dame et la charge de transmettre mes remerciements à la propriétaire.

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Rédigé par Martine Silberstein

Publié dans #Journal de voyage à vélo

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Publié le 1 Août 2015

Ballades à vélo à Djerba au cours d'un séjour du 20 au 24 mars 2011

Je devais partir à Djerba le 16 janvier 2011. Corruption, répression, liberté bâillonnée, le peuple s’est révolté le 14 janvier contre son président, Ben Ali et sa coiffeuse de femme, La Trabelsi.

Mon voyage a donc été reporté au 13 février. Mais la révolution ne se fait pas en un jour. J’accumule les articles sur le pays, ses habitants, ses dirigeants, le paquet s’épaissit. Si le calme ne revient pas avant fin mars, je vais perdre l’avantage d’un prix intéressant… Régine, la maman de Waâfa, une amie, habite l’île de Djerba et me dit que tout est calme là-bas, contrairement au reste du pays. J’enrage de ne pouvoir voir la révolution en marche. Je n’ai pas peur, c’est sur les tunisiens qui manifestent que tire la police, pas sur les touristes.

Ballades à Djerba

Devant l’hôtel, un toit de tôle, une pancarte « Vélos à louer ». Allons voir. Ouh ! Ah, misère, je ne monterais pas dessus ! Ils en ont d’autres ? Rouillés, pneu à côté de la jante…

Là, un message de Régine : elle est passée à 16h30 à l’hôtel. Ils faisaient des courses à Midoun. Je l’appelle : elle repassera à 20h30. Le temps d’écrire à Marjolaine, de me changer. Je descends manger. Régine est à l’heure. Je fais connaissance de Tahar. Ils sont en voiture, nous allons boire un coup à l’extérieur Tahar connaît le patron du café où nous sommes. C’est avec lui qu’il est attablé. Nous, nous sommes un peu plus loin. Les seuls clients. Un homme joue de l'oud, une sorte de luth. Le patron loue des vélos. Quelle chance ! Ceux qui sont dehors sont des engins pour touristes, où l’on peut pédaler à quatre, protégés par une toile. Mais il en a d’autres, plus conventionnels. Demain je peux me présenter vers midi, il en aura préparé un. Je pourrais aller à la fantasia, à Midoun, distant de seulement 5 kilomètres.

Je pars chercher mon vélo. 15DT c’est cher, j’ai trouvé ! Je donne l’argent à un mec. Ils étaient trois. J’espère que c’est bien lui qui s’en occupe ! J’ai maintenant un doute…

Belle journée, aujourd’hui ! D’abord Midoun. Je cherche une carte de l’île. Je demande dans une station service. Le gars m’indique un marchand de journaux. J’achète un journal et une carte. Assez cher. Puis je vais à la poste pour acheter des timbres. Il faut revenir à 14h. Le guichet qui en vend n’est pas ouvert ce matin. Je vais à l’office de tourisme. La fantasia n’a pas lieu, comme me l’avait indiqué Régine. D’abord, à cause de la révolution, il n’y a pas de figurant, ensuite car il n’y a pas assez de touristes. Elle me donne une carte, plus précise que celle que j’ai achetée, et gratuite ! Je me suis fait avoir ! L’employée me parle d’une huilerie souterraine à visiter. Ouverte entre midi et deux. Elle me montre sur la carte un circuit à faire en sortant de Midoun et une ville à voir, Mahboubine. En quittant la grande route le paysage est intéressant à observer : oliveraies, puits, palmiers, maisons traditionnelles.

Je trouve un magasin de fruits et légumes. J’achète une tomate, un concombre, une banane. J’ai gardé une orange du petit déjeuner. Je demande à l’employée où je peux acheter du jobs (J de jota, español : pain). Une personne m’indique où se trouve le magasin. Je cherche, dans la rue. Un homme y va, et propose de me guider. J’achète du job zitoun (aux olives), des gâteaux secs au sésame et un petit yaourt liquide. J’arrive vers l’huilerie souterraine. Fermée jusqu’à 15h30 alors que l’employée de l’office de tourisme m’avait dit qu’elle restait ouverte. Peut-être en pleine saison touristique ?

Ballades à Djerba

Ville côté touristes : de belles poteries sont exposées, des vêtements accrochés. J’en repère quelques-unes qui me plaisent. Le marchand me fait rentrer dans sa boutique. Je préfère celles qui sont dehors, illuminées par le soleil. Je suis à vélo, faudra que je revienne… en taxi !

Je pique-nique à l’ombre. Le vent est frais, j’ai froid. Je me mets au soleil. De l’autre côté de la placette, un mec est au téléphone depuis je ne sais combien de temps ! Puis il vient, cherche à s’incruster : "T’es française, tu fais quoi…?" Je le jette. Puis un autre, idem. Il est trop tôt pour aller à la poste. J’ai fini et envie de faire pipi.

Ballades à Djerba

A côté de la poste un café avec des WC propres que le patron vient juste de nettoyer. Il nettoie la terrasse d’à côté à grande eau. On dirait le p’tit Spirou avec son costume. Je bois un thé en terrasse. Il n’y a que des hommes attablés. Un peu plus loin par rapport au bureau, un magasin où j’achète deux dizaines de cartes postales. Cela me fait patienter, il est presque 14h. J’achète mes timbres, et fait peser une lettre accompagnée de mon recueil de poésie pour Marjolaine. Ce sera pour elle une surprise de recevoir ainsi une telle lettre venant de Tunisie. Puis je pars à vélo dans la direction indiquée par l’employée.

La route est large, beaucoup de voitures mais sans danger.

Ballades à Djerba

Une belle porte. Je discute cinq minutes avec son propriétaire, étonné que je prenne sa porte en photo. Des puits, des maisons, modestes et d’autres, très belles.

Ballades à Djerba

Des maisons en construction et pas mal de magasins vendant des matériaux de construction, d’équipement de salle de bain. Une camionnette allemande. Importation de matériaux de construction, une française aussi.

Ballades à Djerba

Un vendeur de marbres beaux comme des paysages, veinés. Une femme passe. Elle refuse que je la photographie. Des villages, discrets. Un magasin, je ne sais plus où. Qu’y vend t-on ? Une pancarte : « Pissier ». Ah ! Epicier ! Marrant. Et ailleurs : « Marchand de viande et poulailler ».

Ballades à Djerba

De petites mosquées reconnaissables à leur haut-parleur sur le minaret. Des chèvres et des moutons entravés. Leur gardien, à l’ombre d’un petit arbre.

Ballades à Djerba

Dans un village, Djerbienne au drapé blanc, ourlé d’orange, son grand chapeau de paille et son panier d’osier en équilibre, sur la tête.

Ballades à Djerba

Oliveraies, figuiers de barbarie, dattiers. Ici, sur l’île, certaines espèces de dattes sont données aux animaux. Les revêtements de la route principale et de la route secondaire ne sont pas trop mauvais. Mince !

Ballades à Djerba

Je reviens à la route principale qui va à Houmt Souk ! Beaucoup de circulation. Il reste 10, 9, 8, puis 7 km à faire pour aller à la « capitale ». Allez, j’y vais ! Mais pas par cette « nationale ».

Ballades à Djerba

Une petite route à droite et je retrouve la route du bord de mer avec une vraie piste cyclable. C’est par cette route que nous sommes arrivés de l’aéroport dimanche. La ville est en vue mais sur mon portable il est déjà 16h30. Faut que je rentre.

Le long de la mer, une étendue d’eau, de sable et de boue. Une très forte marée, ou ce no man’s land est-il toujours ainsi ? J’avançais bien le vent dans le dos… Par contre j’avais le soleil de face. Je dois être cuite comme un homard ! Demi-tour ! J’ai le vent de face, maintenant ! Oulàlà ! C’est pas la même ! Je filais comme le vent et là, c’est le vent qui m’empêche d’avancer ! Je peine.

Un phare, tout blanc ? Non, une mosquée au bord de la mer. Le vélo est « bien » sauf que la pédale gauche grince comme une pauvresse. Il n’est pas tout à fait à ma taille. La manette est grippée et pour passer les vitesses il faut la serrer à fond ! J’ai mal à la paume de la main ! Ouille ! Le patron est là quand je ramène le vélo. Je lui dis qu’il faudrait un peu de dégrippant pour ce vélo pour demain et tout ira bien ! Je passerai le chercher vers huit ou neuf heures et le garderai toute la journée jusqu’à cinq heures.

Ballades à Djerba

Je suis à pied, sac au dos, ça fait drôle. Les mimosas, ici, ne sentent rien. Ce ne sont pas ceux des vacances de mon enfance passées à Nice, dommage !

Je passe à côté des tennis. Eh ! Madame, vous pouvez nous lancer la balle ? Quatre beaux mecs sympas à côté de l’hôtel. L’un d’entre eux, avé l’accent : vous avez fait le Ventoux ? Ben oui, et cette année je fais l’Alpes d’Huez. Je les ai impressionnés…

Mercredi 23 Mars

Ce matin, en partant, non loin d l’hôtel, un groupe de personnes, hommes et femmes de tous âges, drapeaux tunisiens et calicots écrits en arabe à la main, attendent sur le bord de la route. Une manif ? Je demande au loueur de vélo ce dont il s’agissait. C’est une manifestation contre le patron, un restaurateur qui s’occupe mal de son personnel !

Partie vers neuf heures, j’ai roulé en suivant le bord de mer et ses zones touristiques, hôtels de toutes catégories.

Ballades à Djerba

Grande route, toute droite. Pour l’éviter, au rond-point, à Teguermess, je tourne à gauche, devant le phare. Une belle route, toute droite, le long de la mer. Je trouve une bouteille en plastique et ramasse du sable pour mon amie Betty. Belle route, sans vent et sans voiture. Sans issue, non plus ! C’est une lagune. Pour rejoindre la route principale et éviter de refaire la même route, je coupe à travers un no man's land plat, au sol de sable sec et dur, lisse, idéal pour rouler ! Un vrai plaisir ! Un groupe de français marche sur un chemin. Deux femmes tiennent une chemise qui vole au vent. L’homme qui la portait a glissé et est tombé dans l’eau. Elles font ainsi sécher la chemise, en riant. Je rejoins ensuite la route principale par une piste.

Un très grand golf longe la mer, un passage permet de passer sous la route, le golf continue de l’autre côté.

A nouveau pour quitter la route principale, à la hauteur d’Aghir, je prends la route de gauche. Mais Aghir est tout de suite là ! Je me renseigne auprès d’un gardien d’hôtel. Je suis abordée par un homme qui lui apporte du café. Il me demande si j’ai des euros car ses enfants les collectionnent. J’ai pas compris l’entourloupe, et, sur le coup j’ai eu peur qu’il m’ai pris de l’argent. En fait, je n’ai pas d’euros, que des dinars que je lui ai montré.

Je prends un sens interdit et, à nouveau, rejoint la route principale. Route uniformément rectiligne, à l’infini entre la mer à gauche et la terre, à droite. Des palmiers, le paysage, semi- désertique, aride, la terre, nue ou quasiment nue.

Un petit aérodrome d’ULM.

Sur la gauche, des tranchées. Pose de tuyaux de gaz. Un panneau, « Entreprise d’Etat de Gaz et d’Electricité ». Un autre, un portable barré. Station d’épuration.

Ballades à Djerba

Et sur le bas côté, un peu plus loin, à ma droite, sur une butée de terre et de sable mêlés, une fleur, en grappe épaisse, vingt centimètres de haut, composée de plusieurs corolles. Celles d’en haut commencent à faner. Une orchidée ?

Ballades à Djerba

A côté, une autre, plus petite, toute fraîche, sort de terre, ses corolles encore closes. Emouvante beauté au milieu de cette aridité !

Ballades à Djerba

A gauche, une simple pancarte : site archéologique de Meninx. Nous sommes au sud-est de l’île, tout près de la chaussée romaine d'El Kantara. Un chemin, dans le sable. Je le prends.

Ballades à Djerba

Et là, oh surprise ! Tronçons de colonnes de granite à même le sol,

Ballades à Djerba

beaux marbres blancs ou veinés de rose enfouis dans le sable, volutes de chapiteaux, architraves, pierres percées de trous.

Un site dans un état d’abandon total ! Qui sait si des personnes mal intentionnées n’ont pas déjà pillé ces trésors ? Je poursuis mon chemin le long de la mer. Plus loin, une pancarte « Interdit de photographier » et une cabane en bois. Des murs dégagés, des ruines de maison, des rues pavées. « Y a quelqu’un ? ». Personne. Je prends des photos. Le site fait environ 2 kilomètres, sur une largeur d’à peine 800 mètres.

Ballades à Djerba

Des recherches sur internet me permettent de découvrir les informations suivantes : une partie du site a sans doute été englouti par la mer. A l’origine, au début du Xe siècle avant J.C c’était un comptoir commercial fondé par la phéniciens.

Ballades à Djerba

Puis à son apogée ce fut la capitale romaine de l’île jusqu’à la seconde moitié de IIIe ou au début du IVe siècle après J.C. Thermes, amphithéâtre, théâtre, basilique, forum composaient cette ville.

Ballades à Djerba

Les statues, indiquées sur le site ? Je n’en ai point vue. Volées ? Misère ! Sans doute ce pouvoir corrompu n’a pas jugé bon de s’intéresser à une telle beauté ! Pas assez rentable !

Je continue le chemin. En contrebas, deux femmes, foulard protégeant le visage de la réverbération de la mer, chapeaux.

Elles sont pliées en deux, sur les rochers, une truelle dans une main, un seau dans l’autre. Je les interpelle. Sbalajir !

Ballades à Djerba

Elles se redressent. Une jeune, une vieille. Très pauvres, à leur mise. Elles ramassent des coquillages, couvert d’un limon gris foncé. Des clovisses, peut-être ? J’aimerais les prendre en photo. Elles veulent bien, mais demande de l’argent. Je donne 1DT à l’une, pensant que ce serait pour les deux. L’autre réclame aussi sa pièce ! J’en serai pour 2DT en tout…

J’arrive à El Kantara. El Kantara est un lieu, pas une ville. A ma gauche, la chaussée romaine ; plus loin, le continent. Endroit stratégique où l’île n’est plus tout à fait île mais presqu’île. Une caserne de policiers. La répression. Ce sont eux qui ont assassiné des dizaines de tunisiens, pendant la révolution. Cependant, inquiète de n’avoir presque plus d’eau au fond de ma bouteille, je demande au policier en faction le nombre de kilomètres qu’il me reste à parcourir avant d’arriver à Guelala. Huit kilomètres. Je lui expose mon inquiétude. Il interpelle un autre policier. Et lui demande d’aller à la buvette. L’autre entre et ressort de la caserne, une bouteille d’un litre et demi à main. « Je vous dois combien ? ». Rien. Puis, tout à coup, il pointe son doigt sur mon tee-shirt. Une grosse bosse masque mon appareil photo ainsi à l’abri de la poussière, des soubresauts de la route et surtout des regards indiscrets. Une arme ? Je ris et sors l’appareil : non ! Il porte mitraillette en bandoulière, lui. Il refuse que je le prenne en photo. Je pars.

Sur la carte : catacombe. Sur le terrain, à droite, je n’ai rien vu d’extraordinaire, quelques constructions. Des murs bas. Les catacombes ? Je ne m’arrête pas.

Ballades à Djerba

Enfin du relief ! Montée. Guelala, le village des potiers s’annonce par une maison où s’accumulent les amphores, des pots, des poteries, jusqu’à un arbre où elles ont été suspendues ! Un petit dromadaire dans la cour, pour les touristes.

Ballades à Djerba

« Mine d’argile » à visiter. Une mine ? D’argile ? Plus loin, une carrière que je crois être une mine d’où est extraite l’argile. En fait, non. J’ignore ce qu’est cet endroit. Grande descente, et tout de suite derrière, encore une montée. Ça change !

Enfin Guelala ! Le village. Je prends la première rue à droite. Maisons très modestes. Un enfant, je lui demande s’il sait où je puis trouver une épicerie, j’aimerais trouver des tomates. Il m’explique. Je ne trouve pas. Je cherche dans ces rues étroites puis me retrouve dans la rue principale, demande à nouveau. En fait, les boutiques sont fermées. Une d’ouverte ! Pas de tomate. J’entre, et achète une boîte de sardines, un petit jus de fruit. Sur la terrasse d’un bar du centre-ville je me fais un sandwich de la moitié restante de mon pain aux olives coupé en deux où je mets les sardines arrosées d’huile. Non sans, auparavant, avoir été me laver les mains dans un grand évier. Un régal, quand on a faim. Je croque de temps en temps dans mon petit concombre. Modeste repas bien reconstituant. Une banane et deux thés pour faire glisser le tout. Pratique, dans les WC, ici, comme à Midoun et dans ma chambre d’hôtel, ce tuyau pour se laver. Pas besoin de papier, très hygiénique. Mais je ne suis pas douée, je me mouille toujours un peu les jambes.

Ballades à Djerba

Les cérémonies autour du mariage. Selon les régions, les costumes diffèrent. La musique, les mises en scène avec les mannequins sont vraiment intéressantes ! Un employé m’explique ce que j’ai sous les yeux.

Ballades à Djerba

Des panneaux, tout au long du musée sont très explicites, descriptives sur la vie quotidienne, les fêtes. Les galeries du musée longent une cour. Dehors, une huilerie souterraine. Je n’en ai pas vue une vraie, une ancienne, à Midoun.

Ballades à Djerba

En voilà une, reconstituée avec un vrai chameau attelé. Un gardien le fait trotter, en rond, pour une démonstration. Puis il propose de me prendre en photo à côté du chameau. Choukran ! Ah bon ? On peut prendre des photos ? Pour la suite de ma visite je ne me gêne pas et mitraille. Conversation très agréable et instructive avec le calligraphe, un homme lettré (oh ! c’est drôle !) et intéressant. Je lui parle du musée : un livre recueille t-il tous les commentaires des panneaux, accompagné de photos ? Hélas non ! Les commentaires sont souvent signés « Le conservateur du musée ». Parfois, des extraits de livres. Le calligraphe affirme que c’est la faute à la politique, qui ne met pas en valeur la culture du pays. Il pense aussi que la crainte est qu’il n’y ait plus de visiteurs, puisque tout serait dans le livre. J’embraye sur Meninx, que j’ai vu avant d’arriver là. Pourquoi n’y a-t-il pas de fouilles archéologiques, de mise en valeur du site ? Même chose. J’apprendrais par les personnes de l’hôtel qu’ils ne s’y sont même pas arrêtés lors de leur tour de l’île en bus ; ils en ignoraient jusqu’à l’existence même. Il vend ses calligraphies. Je n’achète rien, mais il n’en semble pas fâché pour autant. Une boutique, à la sortie. J’achète les cartes postales qui me manquent, des timbres pour les affranchir ainsi que des vieux timbres de collection.

A la sortie du musée, un livre d’or. Je fais lire aux employés ce que j’ai écrit. « Un lire sur le musée serai le bienvenu ». Ils m’affirment qu’un devrait voir le jour en 2012. Du coup, ils m’offrent deux cartes postales !

Le jeune m’attend à la sortie … J’enfourche le vélo. Vite, la descente !... Il me suit. « Vous avez de bon freins ? » Puis, arrivés sur le plat : « Je veux faire l’amour avec vous, vous êtes belle ! ». T’es fou ? ! Je pourrais être ta mère ! Je lui crie tout ce que j’ai sur le cœur ! Il est parti, ouf !

Ballades à Djerba

Des empilements de cailloux, le long de la route et des champs d’oliviers. A quoi servent-ils ? Des bornes de délimitation ? Un petit chien crevé le long de la route, il a une tête de loup… Des chats faméliques dans les villages.

Synagogue d’Eriadh. Je veux rentrer, beaucoup de forces de police sont en faction. Je dois laisser mon vélo et me soumettre au passage obligé d’un détecteur de métaux, ainsi que le contrôle scanner de mon sac. Je confie mon opinel à l’employé, je le reprendrai à la sortie. Grande émotion pour moi, à la synagogue. Au bord des larmes. Il faut être couvert, mais je porte déjà mon foulard rose pour me protéger du soleil et des yeux inquisiteurs des hommes. Un homme au très gros ventre exige que je lui achète une carte postale à 1Dt pour les finances de la synagogue… Il ne veut quasiment pas me laisser passer si je ne verse pas cet obole… ça casse un peu le recueillement ! Mon sac est resté à l’entrée de la synagogue (confiance…) à côté de mes chaussures et cela m’ennuie beaucoup d’aller le chercher, là, tout de suite… je le lui dis et poursuis mon recueillement. Lampes à huile, ex-voto. Dans une autre pièce, trois hommes se balancent, psalmodiant des textes sacrés. Puis je reviens donner de l’argent à cet homme. Je sors de la synagogue, y revient : où puis-je trouver des toilettes ? Dans le bâtiment d’en face, une porte, une entrée qui donne sur une cour. Tout autour, beaucoup de portes numérotées, et de même au premier étage où une coursive donne sur la cour. Dans une autre cour, des éviers et des toilettes.

Rendez-vous à 17 heures pour la thalasso. Il faudra que ce soit Ali, j’aurais besoin d’un massage pour sportif ! Des tourterelles boivent l’eau de la piscine.

Je me perds un peu après Oualegh. Demi-tour sur les indications d’un gars qui peint un mur. Il utilise un récipient dont il tourne la manivelle projetant de la peinture blanche. J’arrive à la route qui mène à Midoun. Je ne sais quelle heure il est. Un jeune, à l’intersection arrête (ou il a rendez-vous ?) une camionnette avec une plate forme extérieure qui contient du marbre. Et moi ? Il met le vélo sur le marbre et m’installe entre eux deux. Plus loin, la camionnette s’arrête, le jeune descend. Le chauffeur est patron. Le marbre est cher. Il vient d’Allemagne ou d’Italie. Il ne parle pas très bien français. Le jeune lui a dit où était mon hôtel. Je partage avec lui les gâteaux que j’ai acheté dans une boulangerie à la sortie d’Eriadh. 100 milimes, un centième de dinar tunisien. J’en ai acheté deux, pas assez de sous pour trois ! Je n’ai plus un sous à donner à mon chauffeur pour le remercier. Il s’en fiche, cela lui est égal. Il me laisse au carrefour où est le loueur de vélo. Cool !

Ballades à Djerba

Je laisse le vélo. Sac au dos, toujours enveloppée de mon châle, je cours vite vers la thalasso pour m’excuser de mon retard et demander le report des soins. Il est 17h45 quand j’arrive. Ali me prend quand même ! Le client est roi… Je vais à la chambre poser mon sac.

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Rédigé par Martine Silberstein

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